A 10h34, un correspondant anonyme
ayant pour nom de code "Cintu" joint les rédactions ajacciennes
de RCFM et France 3 Corse. Dans une cabine téléphonique située
place Foch, l'individu annonce que des bombes sont placées
au centre des impôts, à la trésorerie générale,
à la DDE et à l'URSSAF d’Ajaccio.
"Cintu" conclut en ces termes:
" les explosions auront lieu dans 25 minutes, une revendication suivra"
.
Dans la panique, les personnels
de la DDE sont évacués de justesse, une charge d'un mélange
"nitrate-fioul" d'environ 40 litres explose devant leurs yeux.
A l'intérieur, le chef
du service des affaires maritimes, Monsieur Platzer, est en conversation
téléphonique, il n'a pas entendu les ordres d'évacuation,
le plafond s'écroule. Miraculé et couvert de plâtre,
il ressort intact des décombres. Le drame a été
évité de peu.
Ci-contre,
les personnels de la DDE sont évacués à l'extérieur
du batiment piégé ( ouverture JT M6 )
Quelques instants après
cet attentat, les personnels de la DDE entendent une forte détonation
en direction de la rocade. Il s'agit des locaux de l'URSSAF, le bilan
est lourd.
Une voiture contenant une
charge "nitrate-fioul" évaluée à 100 litres a explosé
aux abords de l'établissement. Dans l'évacuation, une femme
enceinte de sept mois reçoit un projectile, une personne fait un
arrêt cardiaque et des policiers sont projetés par l'effet
de souffle.
Le centre des impôts
et la trésorerie générale sont passés au peigne
fin, aucune charge n'est découverte.
Dans la journée, la
ville connaîtra de nombreuses fausses alertes à la bombe (
lycée, crèche, Préfecture ) , ainsi une psychose commence
à se propager dans toute la ville. Ci-dessus,
l'URSSAF qui sera rasé et reconstruit prochainement ( ouverture
JT M6 )
Antérieurement, des
actions militaires en plein jour ont déjà été
commises:
Ci-contre,
le mélange "nitrate-fioul" a provoqué un incendie sur l'aile
gauche du batiment ( JT M6 )
- 16 avril 1981, plasticage
à l'aérogare d'Ajaccio après l'atterrissage de Valéry
Giscard d'Estaing.
Bilan, un mort et huit blessés.
- 29 mai 1991, voiture piégée
aux abords du Conseil général de Bastia.
- 02 décembre 1992,
attentat au centre des impôts de Nice.
- 01 juillet 1996, voiture
piégée sur le Vieux-Port de Bastia.
Bilan, un nationaliste mort,
deux nationalistes blessés graves et six passants blessés.
- 11 octobre 1998, attentat
au centre des impôts de Bastia.
Néanmoins, après
la lutte sanglante entre factions nationalistes et l'assassinat du Préfet
Erignac, cet attentat passe mal au sein de la population, il est condamné
par l'ensemble des insulaires.
Du côté des élus
nationalistes, la condamnation se fait longtemps attendre. Le soir, Jean-Guy
Talamoni, élu de Corsica Nazione, ne désapprouve pas l’opération
clandestine.
Malgré ses affirmations
ambiguës, la nuit lui portera conseil....
Le lendemain du drame, il
condamnera avec fermeté, l'action menée. Par contre, fidèle
à ses idées, il ne déclarera pas répréhensible
les auteurs des deux plasticages.
A titre de rappel, depuis
les dernières élections territoriales, Corsica Nazione
s’est clairement positionné en faveur de la lutte clandestine.
Inspiré par les 40
000 corses descendus dans la rue au lendemain de l’assassinat du Préfet
Erignac, le maire d’Ajaccio lancera un appel à un rassemblement
condamnant la violence.
La mobilisation a été
très faible, à peine 3000 insulaires ont participé
à la manifestation. Malheureusement, cet échec a dû
réjouir les responsables de ces attentats ignobles.
En l’absence de revendications
claires, la tâche des enquêteurs s’avère très
complexe. Pourtant, quelques indices ont été prélevés
et analysés:
un combiné téléphonique
une voiture Peugeot
205 volée
les cassettes des deux
caméras de télésurveillance disposées aux abords
de l’URSSAF
Ci-contre,
la voiture piégée était placée devant les locaux
de l'URSSAF ( ouverture JT M6 )
Les lieux des attentats étant
dégagés, on peut penser que les poseurs de bombes disposaient
de déclencheur à distance de type télécommande
ou téléphone portable.
En toute hypothèse,
le choix des deux sites leur aurait permis de visualiser le bon déroulement
des évacuations : ceci pourrait expliquer le nombre réduit
de victimes.
Côté témoignage,
les enquêteurs peuvent disposer de ceux :
du personnel d’accueil
de la DDE et de l’URSAFF
des personnes stationnées
à proximité de la cabine Place Foch
des standardistes de
RCFM et France 3 Corse
Qui est à l’origine de ces attentats ? Pourquoi ? Bavures ? Surenchères ?
Ces
attentats exigeant une logistique importante, ils sont difficilement attribuables
à une bande de "désespérado" , terme utilisé
par certains journalistes spécialistes des affaires corses.
A l’assemblée nationale,
six jours après les actions terroristes, Lionel Jospin tend la main
aux élus insulaires. Il propose une rencontre expresse à
l’hôtel Matignon, afin dit-il, d’écouter les propositions
des représentants de l’île.
La revendication ne se fait
pas attendre, elle est signée d’un mystérieux groupe “ CLANDESTINU
” .
Ci-contre,
une enquête qui s'avère difficile ( ouverture JT M6 )
A
la lecture du texte (cliquez sur le lien pour lire le communiqué),
quelques points sont à prendre en considération:
a) les cibles : les
locaux publics étaient visés mais il semblerait qu’il n’y
ait pas eu intention de tuer des civils innocents. Les séparatistes
donnent des détails précis sur les délais impartis
entre l’alerte et les plasticages ( 25 à 48 minutes ) , et propagent
une polémique contre les services de police d’Ajaccio. Quelques
jours après la diffusion des rapports des commissions parlementaires
et sénatoriales, la manipulation est habile.
Nouveauté non négligeable,
ils demandent pardon aux personnes commotionnées et choquées
par les explosions. Bizarre, bizarre…….
b) les buts : contrer
militairement le “ préalable ” évoqué par le Premier
ministre. Ensuite, ( à leur compte ) récupérer politiquement
le geste d’ouverture de Lionel Jospin. Enfin, imposer une présence
autoritaire au sein de la famille nationaliste. A noter que les paramilitaires
utilisent une sémantique commune aux autres mouvements clandestins
(ex : jacobinisme hors-d’âge, oppression fiscale, décorsisation)
.
c) les menaces : sur
le continent, elles sont à prendre au sérieux car l’opinion
publique garde toujours en mémoire les images tragiques des récents
attentats perpétrés dans le métro parisien. Il est
faux d’associer les problèmes corses à ceux des algériens
, mais en plein jour, les conséquences d’un attentat mal maîtrisé
peuvent être dramatiques.
En Corse, malgré le
plan “ Vigie-pirate ” , de futures actions ne sont pas à exclure.
Néanmoins, l’allusion
faîte à la Préfecture participe essentiellement à
une entreprise d’intoxication.
En conclusion, il apparaîtrait
qu’un groupe clandestin “ déjà connu ” ait réalisé
les deux attentats d’Ajaccio. Peu habituelle en Corse, l’action en plein
jour a été maladroite et ignoble.
Malgré une manifestation
discrète, l’opération a laissé de grandes traces au
sein de la population insulaire. Pris à son propre piège,
l’organisation militaire s’est dédouanée et a revendiqué
l’acte à travers le très fantôme
“ CLANDESTINU ” .
Malgré des erreurs
d’appréciation, les terroristes ont provoqué une réaction
épidermique chez Lionel Jospin, le Premier ministre dont on peut
toujours se demander, l’intérêt de sa visite dans l’île
en septembre dernier.
Retour sur des images polémiques:
Prévenus par le correspondant
anonyme "Cintu" , des journalistes de France 3 Corse ont filmé en
direct le plasticage des locaux de l'URSSAF. Néanmoins, les rushes
ne montrent ni l'explosion complète des bâtiments ni des scènes
terribles de blessés ensanglantés.
Pour son édition nationale
( 12-13 ) , France 3 diffuse les images brutes des journalistes présents
sur les lieux du plasticage.
A 12h45, TF1 et France 2 reçoivent
l'ensemble du matériel par IV3.
A 13h00, les deux chaînes
ouvrent leurs éditions par les images "live" de l'attentat.
Dans l'après-midi,
en commun accord, un curieux communiqué de presse est rédigé.
Il y est écrit que France 3 Corse aurait fait preuve d'une tentative
de manipulation de la part des terroristes. Le soir, les trois chaînes
censureront les images et expliqueront aux téléspectateurs
qu'ils ne sont pas connivents des plastiqueurs. Une bizarre conception
de l'éthique journalistique, quand on sait la publicité accordée
aux sympathiques conférences de presse dîtes " bals masqués"
( armes de poing et tortues ninjas garanties ) .
Le Ministre de l'intérieur
est-il intervenu personnellement? Mystère….
Deux petits rappels s’imposent:
a): lors de l'attentat "famille
Launey", la place Beauvau s'était offusquée, au près
de France 2, de l'importance donnée au FLNC Canal historique.
b): depuis février
1998, à 06h00 du matin, toutes les interpellations secrètes
de la DNAT ont toujours été filmés par la chaîne
publique France 2.
Pour notre part, M6 a diffusé
l'ensemble des images mises à sa disposition par IV3.
Nous pensons que les rushes,
peu enclins à une extrême violence, desservent les poseurs
de bombe, l'indignation générale en témoigne largement.