M. le Président
: Vous nous avez indiqué que les renseignements généraux
travaillent en amont de l’intervention judiciaire. Comment expliquez-vous
dès lors que sur une affaire comme celle de Tralonca, les renseignements
généraux n’aient absolument pas obtenu, selon les indications
qui nous ont été fournies, de renseignements alors que cette
manifestation rassemblait 600 personnes armées et cagoulées
? Aviez-vous des informations sur ce rassemblement ?
M. Bernard SQUARCINI :
Nous avions eu des bribes d’information concernant un événement
de caractère médiatique, sans en connaître le lieu
et l’heure exacts. Toutefois, dans les jours précédents,
nous avions fait effectivement remonter quelques éléments
laissant entendre qu’il pouvait se tenir une conférence de presse,
contrairement à celle du week-end dernier pour laquelle nous n’avons
recueilli aucune indication ; il est vrai que le contexte est tout à
fait différent et que la conférence de presse récente
ne concernait que des journalistes locaux. Pour Tralonca, nous avions eu
quelques éléments, mais ils étaient imparfaits et
incomplets. Il faut dire que la tenue de conférences de presse en
Corse répond à un rite et à un modus operandi basé
sur la sécurité des gens qui convoquent mais aussi sur la
crainte que peuvent éprouver les journalistes, après coup.
Depuis 1976, la Corse a connu nombre de conférences de presse clandestines
qui font partie malheureusement du folklore,
et nous n’avons pas souvent
été au courant de ces manifestations qui se préparent
dans le plus grand secret. Cependant, certaines conférences de presse
nous ont permis de neutraliser et d’arrêter leurs auteurs.
M. le Président
: Comment expliquez-vous que la gendarmerie ait été informée
de cette conférence de presse dont elle a pratiquement identifié
les participants ? N’auriez-vous pas reçu, question annexe, des
ordres pour ne pas procéder à des investigations sur cette
affaire puisque, nous le savons aujourd’hui, il y avait alors des négociations
entre les mouvements
nationalistes et le ministère
de l’Intérieur ? Ne vous aurait-on pas demandé de vous tenir
à l’écart de cette affaire, de manière à ne
pas gêner la démarche du ministre qui se rendait en Corse
le lendemain de cette conférence de presse ?
M. Bernard SQUARCINI :
Non seulement nous n’avons eu aucune instruction formelle en ce sens, mais
encore Tralonca étant un petit village au fin fond de l’intérieur
de l’île, accessible par quelques routes seulement, il était
tout à fait normal que la gendarmerie soit parfaitement au courant
; en revanche, elle n’était pas informée de la conférence
de presse du week-end dernier, Dieu sait pourtant si les forces de l’ordre
sont mobilisées ! Par ailleurs, nous avons, dans la nuit, communiqué
le texte de la conférence de presse de Tralonca au directeur général,
qui l’a transmis au ministre, à chaud, c’est-à-dire avant
son
départ pour la Corse
à 6 ou 7 heures du matin.
Le terme « négociations
» est peut-être un peu fort parce qu’il n’y avait pas grand
chose à proposer, mais qu’il y ait eu des contacts...
M. le Président
: Attendez, monsieur Squarcini, vous êtes aux renseignements
généraux, vous n’êtes pas un enfant de choeur ! Se
mettre d’accord sur la rédaction d’un communiqué, c’est déjà
une négociation.
M. Bernard SQUARCINI :
Tout
à fait, monsieur le Président.
M. le Président
: Si, dans le discours ministériel, on apporte des réponses
aux questions qui ont été posées préalablement
et si vous n’appelez pas cela une négociation, qu’est-ce que c’est,
à votre avis ?
M. Bernard SQUARCINI :
Très bien, c’est une négociation.
M. le Président
: Les fax sont partis de la préfecture, vous le saviez aussi
quand même !
M. Bernard SQUARCINI :
Pas du service des renseignements généraux.
M. le Président
: Non, certes.
M. Bernard SQUARCINI :
Le problème est de savoir à quelle heure ils sont partis,
si c’est quatre jours avant ou dans la nuit. Si c’est dans la nuit, ce
sont les nôtres. Nous avons couvert notre mission d’information durant
la nuit, après coup malheureusement, mais c’est tout ce que nous
avons pu faire.