J’étais conseiller
exécutif lors des événements de Tralonca. Il n’est
pas besoin de faire de grandes enquêtes ni de révéler
des secrets pour savoir ce qui s’est passé. La presse a rendu compte
d’une note des renseignements généraux dans laquelle le directeur
des RG indiquait au ministre de l’Intérieur qu’il avait eu vent
d’une réunion qui devait se tenir dans le maquis tel jour, à
telle heure et à tel endroit, et par laquelle il demandait ses instructions.
Comme il savait par qui était organisée la réunion,
il se doutait bien qu’il n’aurait pas de réponse ou une réponse
tronquée, mais il n’en demeure pas moins que cette
note a été publiée
trois jours avant dans la presse.
Après la réunion
de Tralonca, nous avons entendu le matin à la radio ce qui s’y était
dit. Il n’est pas besoin d’être un spécialiste de la sémantique
pour comprendre que, manifestement, le discours du ministre répondait
point par point à celui des
nationalistes. Comme le ministre
était arrivé le matin même en avion, je ne vois pas
comment il aurait pu modifier un discours dont j’ai appris qu’il était
tapé depuis un certain temps et dont un de mes collègues
conseiller territorial appartenant à la mouvance nationaliste pouvait,
avant que le ministre le prononce, donner à peu près la teneur.
M. Jean-Yves GATEAUD :
Lorsque vous avez parlé de Tralonca, vous avez fait état
d’une note du directeur des renseignements généraux qui était
reprise dans la presse trois jours auparavant. S’agissait-il du directeur
central des renseignements généraux ?
M. Paul GIACOBBI :
Non, c’était au plan local.
M. Jean-Yves GATEAUD :
Que contenait cette note ?
M. Paul GIACOBBI :
Elle demandait quelle était la conduite à tenir sachant qu’il
allait y avoir, tel jour, à telle heure, une réunion du FLNC
dans le maquis aux environs de Corte.
M. Jean-Yves GATEAUD :
On nous a indiqué que les renseignements généraux
auraient été avertis du rassemblement de Tralonca vers 20
heures alors qu’il s’est déroulé à 3 ou 4 heures du
matin…
M. le Rapporteur :
… Et ne savaient pas qu’il aurait lieu à Tralonca.
M. Paul GIACOBBI :
Ils plaisantent. D’abord ils ont été avertis avant, bien
entendu…
M. Jean-Yves GATEAUD :
Je suppose que vous avez gardé copie de cette note.
M. Paul GIACOBBI :
Oui, je la retrouverai si vous le souhaitez. Il faut être sérieux.
Bien sûr qu’ils ont été avertis, puisque tous ces gens
sont passés devant la gendarmerie, à peu près au même
moment. La route pour monter à Tralonca n’est pas tout à
fait à côté de la gendarmerie, mais il était
difficile de ne pas les repérer : la brigade compte cinquante gendarmes…
Ils n’étaient pas présents parce qu’ils étaient tous
– comme par hasard – en faction un peu partout dans la nature. Un gendarme
et un gendarme auxiliaire
avaient eu un problème d’essence ; ils étaient donc en retard
et, par hasard, ils ont rencontré des types armés, qu’ils
ont laissé passer. De toute façon, ils n’étaient pas
en nombre suffisant pour résister et ils avaient reçu des
instructions contraires.