M. Jean-Louis Debré est introduit. M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions
d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Jean-Louis Debré prête serment.

M. le Président : Monsieur Debré, vous avez été ministre de l’Intérieur au sein des deux gouvernements de M. Alain Juppé, de mai 1995 à mai 1997. Nous aimerions que vous évoquiez la situation de la Corse au moment où vous avez pris vos fonctions et que vous nous informiez sur les grandes orientations de la politique que vous avez menée, ainsi que sur l’organisation de la coordination entre les différents services et ministères chargés d’assurer le fonctionnement des forces de sécurité en Corse.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Si vous le permettez, je ferai quelques remarques préliminaires, avant de répondre à vos questions.
Première remarque, en ce qui concerne la Corse, je crois qu’il faut être assez modeste car depuis vingt ans, quelle que soit notre tendance politique, nous y sommes confrontés à des problèmes. Il faut donc éviter, en tout cas c’est ce que je ferai pour ma part, les « y a qu’à », « faut qu’on ». D’ailleurs vous ne m’avez jamais entendu critiquer l’action de mes prédécesseurs quels qu’ils fussent quant à leur politique à l’égard du problème corse.
Deuxième remarque, nous avons, pendant les deux années où j’ai occupé les fonctions de ministre de l’Intérieur, fait un effort important pour essayer de restaurer, de raffermir l’Etat de droit en Corse. Nous disposions alors de moyens de police permanents – je vous rappelle que le ratio policiers/habitants est, en Corse, bien plus élevé que sur l’ensemble du territoire
métropolitain puisqu’il y est de un pour 233 alors que la moyenne nationale est de l’ordre de 1 pour 435 – qui se sont trouvés renforcés durant l’époque où j’avais des responsabilités gouvernementales par des forces mobiles de la gendarmerie qui ont atteint jusqu’à 800 hommes.
De surcroît, j’ai, de manière quasiment permanente, fait opérer en Corse le RAID – l’unité d’élite de la police nationale – mais à la suite de la mort d’un fonctionnaire de police, M. Canto, lors de l’interpellation d’un nationaliste, je l’ai fait revenir et je l’ai remplacé par l’OCRB, l’Office central pour la répression du banditisme.
Par conséquent, les moyens de la police étaient considérables.
Quel a été le bilan de son action ? Je vous rappelle que, de janvier 1995 à mai ou juin 1997, plus de 330 terroristes ont été interpellés et près de 120 écroués, dont certains étaient bien connus des services de police pour avoir déjà été incarcérés avant de bénéficier de deux lois d’amnistie. En 1996, il y a eu environ 540 actes criminels, attentats par explosifs, par armes à feu ou incendies alors qu’il y en avait eu 559 en 1994, 573 en 1993 et 621 en 1992.
En ce qui concerne la délinquance de droit commun, puisque je n’ai jusqu’à maintenant évoqué que la violence liée au  terrorisme ou au nationalisme, je voudrais rappeler un certain nombre de faits. En 1996 et 1997, la violence de droit commun a
régressé très sensiblement en Corse puisque les crimes et délits constatés ont diminué d’environ 22 %, alors qu’ils avaient augmenté de 33 % en 1988 et en 1992. Les attaques de banques qui s’élevaient à 253 durant les années 1987 à 1994 sont tombées à un niveau de l’ordre de 150. Le taux d’élucidation des affaires de droit commun a progressé et il était
sensiblement meilleur que celui de l’ensemble du territoire national puisqu’il était en Corse très légèrement supérieur à 40 %, alors que la moyenne nationale était de l’ordre de 30,2 %.
Troisième remarque, j’avais nommé, en Corse, Claude Erignac comme préfet. Il était en poste dans les Yvelines et l’un de mes amis depuis longtemps, et avait reçu la mission précise d’établir un rapport très circonstancié, incluant au besoin des
photographies, sur l’utilisation des différentes subventions de l’Etat, des collectivités locales ou de la Communauté européenne. Je m’étais à l’époque interrogé sur l’administration préfectorale en me demandant s’il fallait maintenir en Corse un préfet de police, plus exactement un préfet adjoint pour la sécurité. J’étais, en effet, tenté – et je le suis resté longtemps – de supprimer ce poste pour que l’administration préfectorale, en Corse, soit à l’image de ce qu’elle est sur l’ensemble du territoire national où il n’y a de préfet de police que dans les grosses zones urbaines telles que Paris, Lyon, Marseille, Lille
ou Strasbourg. La présence d’un préfet adjoint pour la sécurité en Corse, compte tenu de l’importance de la population ne se justifiait pas, mais j’ai finalement renoncé à le supprimer car c’eût été interprété comme une volonté de diminuer le poids et le rôle de la police. Néanmoins, il est vrai qu’il y avait à l’époque, et qu’il y a toujours, un problème de coordination entre le préfet adjoint pour la sécurité et les deux préfets, celui d’Ajaccio et celui de Bastia.
Quatrième remarque, liée à ce que je viens de vous dire, il y a une tentation pour le préfet de Corse, de se substituer à l’autorité de police ou de gendarmerie. Pourquoi ? Parce qu’il est vrai que le fonctionnement des services de police n’y est pas très satisfaisant en dépit de l’action de fonctionnaires de qualité. Par exemple, l’absentéisme en Corse est très élevé, en tout cas plus élevé que sur l’ensemble du territoire métropolitain. Il est de l’ordre de 10 % des effectifs pour les unités dites « en tenue » ; comme il était particulièrement scandaleux à Corte, j’ai été amené à supprimer le commissariat, ce qui m’a valu des manifestations importantes – je « remercie » d’ailleurs ceux qui, à l’époque, ont soutenu les manifestants – et j’ai fait redéployer les forces de la gendarmerie car il y avait à Corte des fonctionnaires que l’on n’avait pas vus depuis très longtemps dans le commissariat, ce que tout le monde trouvait très bien... Fort de ces constatations et d’un certain nombre d’autres remarques, j’ai envoyé à de multiples reprises le médecin de la police en Corse pour essayer de faire baisser l’absentéisme, notamment à la veille des vacances ou pendant la période estivale, ce qui a motivé une importante manifestation organisée contre moi devant la préfecture d’Ajaccio, soutenue par un certain nombre de nos adversaires politiques de l’époque qui
n’ont pas su, malgré tout ce qui a pu être dit, que l’action des manifestants visait d’abord à s’élever contre la présence très fréquente des médecins de la police nationale, qui vérifiaient tous les arrêts de travail. Cela perturbait un certain nombre d’habitudes. En outre, j’ai changé à deux reprises les patrons du SRPJ d’Ajaccio, qui étaient peut-être de bons policiers mais qui n’avaient pas la capacité, la volonté ou les moyens de diriger leur service.
Par ailleurs, j’ai décidé de muter sur le champ – et c’est un cas très rare dans l’histoire de la police en Corse – un certain nombre de fonctionnaires afin qu’ils quittent l’île dans la journée, d’ailleurs sans grand succès puisque, s’étant aussitôt mis en arrêt de maladie, ils sont restés sur place. S’il est vrai que le fonctionnement des services de police en Corse n’est pas
satisfaisant, cette caractéristique n’est pas propre à ces services : je me souviens parfaitement bien de mon étonnement lorsque j’ai découvert, après avoir demandé à l’administration pénitentiaire de procéder à certaines vérifications dans les cellules de nationalistes qui avaient été interpellés, qu’un grand nombre d’entre eux possédaient des portables. Ce dysfonctionnement n’est pas propre à la police, ni à l’administration pénitentiaire puisque j’avais également remarqué qu’un certain nombre de magistrats n’avaient pas une attitude ou des relations conformes à ce que je pensais qu’elles devaient
être.
Pour autant, je n’ai jamais accepté, comme certains me le demandaient, de mettre en place des structures parallèles, ni une liaison directe ou trop étroite entre l’autorité préfectorale et les services de police, estimant qu’il fallait toujours que la
hiérarchie policière fonctionne.
Néanmoins, fort de ces constatations, ainsi que je vous l’ai dit tout à l’heure, j’ai fait intervenir en permanence – et je ne le regrette pas – le RAID. Lorsqu’un certain nombre de nationalistes importants ont été interpellés, les opérations avaient été préparées de Paris ; en outre, elle étaient déclenchées au dernier moment, grâce au concours du ministère de la Défense qui avait prêté un Transal, de manière à ce que les forces de police puissent débarquer à six heures du matin, la préparation de ces opérations donnant toujours lieu à un certain nombre de fuites qui nuisaient à leur efficacité.
Telles sont, M. le Président, les différentes remarques que je tenais à faire pour la période durant laquelle j’ai été responsable de la police et notamment de son action en Corse.
Pour être tout à fait complet, j’ajouterai que les différentes opérations que nous avons menées à bien pour l’interpellation de nationalistes ou de terroristes – suivant l’appellation que vous leur donnez – ont réussi à la suite d’un travail important. Lors de
mon arrivée à la tête du ministère de l’Intérieur et fort de mon expérience de magistrat, j’avais constaté que le travail de police judiciaire n’était pas fait correctement et que la police n’avait, concernant un certain nombre de personnages connus pour leur activité nationaliste, ni constitué de dossiers, ni étudié régulièrement leur environnement de telle sorte que lorsqu’ils étaient suspectés d’être les auteurs d’un acte délictueux, on n’avait rien, ni photos récentes, ni informations sur leurs différents points de chute. Si nous avons pu redresser la barre c’est, en grande partie, grâce au travail d’un certain nombre de fonctionnaires de police auxquels je voudrais rendre hommage, ceux des renseignements généraux qui ont accompli, et je crois continuent à accomplir, un travail en profondeur pour permettre, aux services de police lorsque c’est nécessaire, sous la conduite des magistrats, de procéder à un certain nombre d’interpellations.
M. le Président : Vous arrivez au ministère de l’Intérieur en mai 1995, vous succédez alors à M. Charles Pasqua...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Cela ne m’a pas échappé !
M. le Président : Si je comprends bien vos propos, vous faites une critique assez vive de l’action de M. Charles Pasqua qui a occupé ces fonctions pendant deux ans puisque vous constatez à votre arrivée que la police ne fonctionne pas, que le travail de police judiciaire n’est pas effectué correctement, que la préparation des opérations sur place est extrêmement difficile, que des fuites plus ou moins organisées rendent le travail de la police très complexe. Est-ce qu’il y a eu, à partir de mai 1995, ainsi que nous l’ont d’ailleurs indiqué certains de vos collègues du gouvernement d’alors, une volonté politique affirmée, notamment par le Premier ministre, d’avoir, au sein du gouvernement, un seul ministre en charge des problèmes de la Corse – je ne vous cache pas que M. Charles Millon a utilisé l’expression de « ministre pilote » ? Etiez-vous ce ministre pilote ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je vous ai dit, en préambule, que vous ne trouveriez dans mes propos aucune critique à l’égard de mes prédécesseurs quels qu’ils fussent : je crois que chacun a agi comme il l’entendait. Je vous ai dit ce que j’ai trouvé : je ne suis pas sûr que la situation remonte seulement à mon prédécesseur immédiat mais c’est celle que j’ai trouvée. Tirez-en les conclusions que vous souhaitez !
Il n’y avait pas un « Monsieur Corse ». Il existe, au sein du gouvernement, depuis toujours, un ministre – le ministre de l’Intérieur – qui est responsable de l’ordre et de la sécurité, en Corse comme ailleurs. Or, comme les problèmes qui se posaient là étaient des problèmes de respect de l’Etat de droit, de lutte contre l’insécurité, c’était tout naturellement le ministre de l’Intérieur qui gérait ces dossiers. La politique du gouvernement, à l’époque, s’articulait autour de deux axes: le retour à l’Etat de droit mais aussi la volonté de mener, à l’égard de la Corse, une politique d’ensemble de développement économique et social. C’était alors les ministres compétents qui faisaient des propositions dans ces domaines mais, naturellement, puisque tous les
problèmes sont extrêmement liés, le ministre de l’Intérieur participait à un certain nombre de réunions concernant des aspects qui relevaient moins directement de sa responsabilité car, étant en charge de l’ordre public en Corse, il était essentiel qu’il sache ce qui se faisait dans les autres ministères.
Pour être précis, je dirai que, personnellement, j’ai toujours été très réservé à l’égard d’un statut administratif spécifique à la Corse. Je vous ai fait part de mes interrogations sur la notion de préfet de police et j’ai dit à plusieurs reprises que je
considérais comme une erreur de vouloir instituer un « Monsieur Corse ». Qu’un ministre, de par la nature de ses fonctions soit, plus que d’autres, porté à s’intéresser à la Corse, c’est évident compte tenu des actions terroristes ou nationalistes, mais pas plus que je n’ai été « Monsieur Islamiste » ou « Monsieur Basque », je ne me considère comme ayant été « Monsieur Corse».
M. le Président : Vous indiquez qu’en Corse doivent s’appliquer les lois de la République, ce qui me paraît la moindre des choses...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Comme partout ailleurs...
M. le Président : Est-ce que votre attitude était la même sur le territoire corse que sur le reste du continent ? Je pense notamment aux négociations qui avaient lieu – ce n’est un secret pour personne – entre le ministère de l’Intérieur et certains mouvements nationalistes ; ceux-ci étaient souvent les auteurs d’attentats et décidaient, à la suite de ces négociations, de poursuivre ou de suspendre les exactions auxquelles ils se livraient en Corse comme sur le reste du territoire national. En d’autres termes, est-ce que, parallèlement à la remise en ordre des services de sécurité dont vous nous avez parlé, il y avait une politique de rapprochement entre le gouvernement et les forces nationalistes pour tenter de trouver une solution politique au problème corse par le biais de la discussion ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Oui, Monsieur le président, et je vais m’en expliquer. Lorsque je suis venu en Corse – je l’ai fait d’abord très clairement à la préfecture de Corse puis très officiellement Place Beauvau – j’ai reçu tous les représentants élus de l’assemblée de Corse et je n’ai reçu que ces personnes-là, quelles que soient leur opinion politique et leur appartenance. Il est bien évident, Monsieur le président, que je savais pertinemment qu’un certain nombre d’entre elles étaient liées à des mouvements nationalistes et d’ailleurs elles n’en faisaient pas mystère. Quel a été mon discours, aussi bien en Corse lorsque je les ai reçues à la préfecture devant les caméras de télévision et les journalistes – vous pourrez revoir les images et consulter les articles de l’époque – que sur le continent, Place Beauvau ?
J’ai simplement dit, et mon discours a été le même pour tous, qu’il n’y aurait pas de développement de la Corse sans un arrêt des actions violentes, et je crois même me souvenir avoir déclaré – il faudrait retrouver les textes mais je suis assez sûr de ma
mémoire – que l’on ne met pas en prison des idées mais, que l’on met en prison des délinquants et des criminels. Ces personnes étaient porteuses d’un certain nombre d’idées qui n’étaient pas les miennes quant à l’avenir de la Corse mais, à partir du moment où elles avaient été élues, qu’elles représentaient par conséquent la communauté corse, je les recevais au même titre que les autres. J’ai donc reçu des représentants élus dont certains étaient liés à des mouvements nationalistes et je leur ai dit que le gouvernement poursuivait une politique à la fois de fermeté en matière d’ordre public et d’ouverture en ce qui concerne le développement économique et la prise en compte d’un certain nombre de caractéristiques culturelles particulières à la Corse.
Pour autant, je n’ai jamais reçu personne, Monsieur le président, contrairement à certains de mes prédécesseurs, en secret, dans un château de la région parisienne, un soir d’hiver, avec un grand manteau noir... Je n’ai reçu, moi, que des
représentants élus de l’assemblée de Corse.
M. le Rapporteur : Et vos collaborateurs ? M. François Santoni, dans une déclaration, cite nommément certains de vos collaborateurs avec lesquels il aurait été en discussion, non pas dans un château, mais à la mairie de Paris.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je ne fais pas partie de la mairie de Paris, d’ailleurs je m’en félicite…
M. le Président : En ce moment, il vaut mieux...
M. le Rapporteur : Vous avez été élu du XVIII ème arrondissement !
M. Jean-Louis DEBRÉ : C’était à une autre époque, et à ma connaissance, durant la période où j’étais ministre de l’Intérieur, aucun membre de mon cabinet n’a reçu...
M. Yves FROMION : Je n’ai pas constaté que l’on ait posé des questions avec une telle agressivité à d’autres personnes entendues par la commission d’enquête !
M. le Président : M. Fromion, il n’y aucune agressivité dans le propos.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je prends cela sans aucune agressivité...
M. Franck DHERSIN : J’approuve ce que vient de dire mon collègue.
M. le Président : Prenons les choses avec calme !
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je ne me faisais aucune illusion en venant ici, mes chers collègues, sur les questions qui me seraient posées, l’agressivité qu’elles pouvaient receler et l’attitude un peu calquée sur celle des procureurs que l’on allait adopter à mon égard... Je vous le répète : je n’ai reçu personnellement aucun nationaliste corse autre que ceux élus à l’assemblée territoriale ; aucun de mes collaborateurs, à ma demande ou sur instruction de ma part, n’a reçu de ces personnages-là ; les relations se limitaient aux personnes élues.
Cela étant, je comprends effectivement que M. François Santoni ne me porte pas dans son coeur puisque je vous rappelle que nous avions monté une opération, préparée de longue date, qui a abouti, grâce d’ailleurs au témoignage d’une personne que nous avons protégée par la suite, à l’interpellation de Marie-Hélène Mattei, compagne de M. Santoni. Peu après son interpellation, M. Santoni s’est rendu au commissariat entouré de la presse. Il était persuadé que Mme Mattei serait remise en liberté et que, sur mes instructions ou plus exactement conformément aux instructions du magistrat instructeur…
M. Jean-Pierre MICHEL : Ouf !
M. Jean-Louis DEBRÉ : ... dont j’assume également la responsabilité, je l’ai fait interpeller – d’ailleurs à l’époque une enquête préliminaire était conduite à son sujet – je l’ai fait mettre en garde à vue, je l’ai fait mettre à la disposition de la justice et transférer dans la nuit à Paris. Il a été présenté au juge et incarcéré, et durant toute la période où j’ai été ministre de l’Intérieur – c’est naturellement une coïncidence – il n’a pas été remis en liberté. Je comprends donc fort bien que M. Santoni ne me porte pas particulièrement dans son coeur ; telle est ma réponse.
M. le Président : Je vais poursuivre sans qu’il y ait dans mes propos une quelconque agressivité à votre égard car j’aimerais que chacun admette que nous sommes ici pour essayer de comprendre et comprendre seulement. Dans cette perspective, j’essaie d’associer les propos que nous avons déjà entendus à ceux qui sont tenus aujourd’hui. Que vous ayez eu des contacts avec les membres élus de l’assemblée de Corse, personne ne peut vous en faire le reproche...
M. Jean-Louis DEBRÉ : A l’époque, on m’en a fait beaucoup !
M. le Président : ... qu’indirectement il y ait eu des contacts – c’est en tout cas ce que nous retenons des déclarations antérieures – c’est une chose ; mais, pour être plus précis, les 600 participants à la manifestation de Tralonca n’étaient pas tous des élus corses ?...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Monsieur le Président, vous me permettez de vous
interrompre ? Vous y étiez pour savoir qu’il y avait 600 personnes ?
M. le Président : C’est en tout cas ce que la presse a rapporté !
M. Jean-Louis DEBRÉ : C’est ce que le mouvement nationaliste a annoncé. On va parler
de Tralonca et j’attendais naturellement des questions à ce sujet...
M. le Président : C’est normal ; si ce n’était pas le cas, je ne vois pas ce que nous ferions
là...
M. Franck DHERSIN : Sans agressivité, vous y étiez ou non ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : A l’époque, les fonctionnaires ne portaient pas de cagoules ! Je
suis très frappé, Monsieur le président, du manque d’esprit critique qui prévaut dans
certains cas. Que certains veuillent faire de la politique à partir de Tralonca, parfait ! Je
vous demande simplement, parce que c’est ainsi que l’on accrédite de fausses idées, d’être
très réservé en ce qui concerne le nombre de participants à ce rassemblement : à force de
répéter ce que disent les mouvements nationalistes qui avaient tendance à gonfler les
chiffres...
M. le Président : Comme toujours, les chiffres varient selon qu’ils proviennent des
organisateurs ou de la police. Il y a toujours une différence de nombre…
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je ne vous ai pas donné de nombre, Monsieur le président. La
presse fait état de la présence de 600 personnes. Sur les photos, car nous avons examiné
les photos, nous pouvons dénombrer 30, 40, voire 100 personnes : je ne connais pas leur
nombre exact, mais je suis persuadé qu’elles n’étaient pas 600...
M. le Président : C’est du détail ! Acceptons, M. Debré qu’elles ne fussent pas 600, elles
étaient en tout cas bien présentes et elles étaient un certain nombre ! M. Millon, qui était à
votre place il y a quelque temps, nous a dit que les participants à cette conférence de presse
nocturne avaient été identifiés par les services de gendarmerie. J’aimerais savoir si des
informations vous ont été communiquées en tant que ministre de l’Intérieur sur
l’identification des personnes qui participaient à cette opération.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je vais vous répondre mais permettez-moi de faire une analyse
assez longue sur Tralonca.
M. le Président : Je vous en prie !
M. Jean-Louis DEBRÉ : D’abord, il existe hélas une tradition en Corse qui veut que
lorsqu’un nouveau ministre de l’Intérieur entre en fonction, son arrivée soit saluée, soit
par une vague d’explosions, soit par des conférences de presse. Je le savais et j’avais
d’ailleurs différé à deux ou trois reprises ma venue en Corse, prétextant les attentats
islamistes parce que le bruit courait – tout se sait – qu’il y avait en préparation une vague
d’attentats ou une conférence de presse.
Ensuite, lorsque j’ai décidé d’effectuer ce déplacement, les services de
renseignement m’avaient indiqué qu’ils pensaient qu’il se produirait quelque chose
– vraisemblablement une conférence de presse – dans la région de Figari ; par conséquent,
nous avions pris un certain nombre de dispositions dans cette région, où l’implantation
nationaliste est importante – ceux qui connaissent la Corse le savent –, non pas pour
procéder à des interpellations, ce qui n’est pas évident – on l’a bien vu récemment avec les
deux conférences de presse que le gouvernement s’est montré incapable de prévoir et
d’interpeller celles et ceux...
M. le Président : Ils étaient quatre, et il est sans doute plus difficile de cerner quatre
personnes que 600 !
M. Jean-Louis DEBRÉ : 600 ? Moi, je n’ai pas le nombre.
M. le Président. Je ne l’ai pas inventé : c’est le nombre qu’avance votre préfet,
M. Jacques Coëffé.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Chacun peut dire ce qu’il a envie de dire mais permettez-moi de
vous préciser que je suis très réservé, même si c’est un détail, sur ce nombre et que, d’une
manière générale, je ne fais pas confiance aux nationalistes pour m’indiquer le nombre de
leurs participants…
M. le Président : Tout à fait!
M. Jean-Louis DEBRÉ : Nous avions donc pensé que la manifestation, les explosions
– nous ne connaissions pas encore la nature de l’événement – se produiraient dans la
plaine de Figari ou dans cette région et nous avions effectué un certain nombre
d’observations pour essayer d’identifier ce qui se préparait. Les informations qui nous sont
parvenues confirmaient qu’il régnait une certaine agitation dans ce secteur. Et c’est la
veille de mon arrivée que s’est tenue, dans une autre région, la conférence de presse.
Je vous signale que, puisque les renseignements qui m’avaient été fournis
n’étaient pas bons, j’ai, dans les jours qui ont suivi cette manifestation, considérablement
changé l’organisation de la police et notamment celle des services qui devaient me fournir
des renseignements.
Par ailleurs, dès mon arrivée à Ajaccio, le 12 janvier si ma mémoire est bonne,
j’ai, dans mes déclarations, condamné cette manifestation de force.
En outre, je vous rappelle que cette conférence de presse avait pour but – hélas
elle a eu l’effet contraire, et en politique c’est l’image qui compte plus que la réalité –
d’annoncer une trêve ou la volonté de certains nationalistes de ne plus avoir recours à des
actions violentes.
Je vous ferai également remarquer que nous avons, à ce moment-là, renforcé
considérablement l’action de la police et que c’est à l’occasion de l’interpellation d’un
certain nombre de nationalistes, quelques jours plus tard, que le fonctionnaire du RAID,
M. Canto a trouvé la mort.
Enfin, j’ai entendu dire, par la suite, d’abord par la presse, puis par les
services de gendarmerie, que des numéros d’immatriculation de voitures auraient été
relevés – je parle bien d’immatriculations de voitures et non pas d’identifications de
personnes. Cependant, ces numéros, d’après ce qui m’a été dit, n’auraient pas été relevés
sur la route menant à Tralonca mais sur une route nationale que l’on pouvait effectivement
emprunter pour s’y rendre sans pour autant qu’il y ait d’indication sur le fait que les
personnes qui l’avaient empruntée s’étaient rendues au rassemblement de Tralonca. C’est
donc à la justice qu’il appartiendra de vous dire si elles faisaient partie des 600 personnes
qui, selon vous, participaient à cette manifestation. En effet, une enquête préliminaire a été
diligentée par le procureur général, le parquet de Paris a saisi un magistrat instructeur et il
y a actuellement deux informations et des commissions rogatoires en cours demandées par
M. Bruguière et Mme Le Vert.
M. le Président : M. Debré, ma question a trait aux dysfonctionnements que nous sommes
chargés d’examiner.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Pour répondre de façon précise à votre question : oui, nous
avons rencontré des difficultés pour obtenir de la gendarmerie la communication de ces
numéros d’immatriculation de voitures – j’insiste sur le fait qu’il s’agissait des numéros de
voitures et non pas de l’identité des personnes ayant participé à la manifestation.
Nous avons appris par la presse que la gendarmerie aurait relevé un certain
nombre de numéros d’immatriculation. Le préfet et les responsables de la police de
l’époque ont donc demandé au commandant de la gendarmerie de leur fournir ces numéros
et je crois me souvenir qu’ils ont eu du mal à les obtenir. Nous en avons déduit – mais
c’est au juge d’instruction qu’il appartiendra de le préciser – que dans cette affaire, on
pêchait par imprécision car les gendarmes affirmaient qu’ils n’avaient relevé aucune
identité, seulement quelques numéros de voitures, et la presse traduisait que la
gendarmerie avait identifié les personnes...
M. le Président : C’est de cette manière que l’a aussi traduit M. Millon lorsque nous
l’avons entendu...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je vous dis ce que je traduis, moi. Vous savez, chacun a sa
vérité et la vérité est multiple dans cette affaire !
M. le Président : Sans doute ! Une question encore, totalement...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Anodine ?...
M. le Président : ... innocente : des revendications sont posées par les nationalistes lors de
cette réunion nocturne. Le lendemain, vous êtes en Corse et vous y répondez point par
point. C’est l’effet du hasard ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Non ! Ce n’est pas un effet du hasard. D’abord, c’est point par
point le discours que j’ai tenu aux différents nationalistes élus lorsque je les ai reçus à
deux reprises pour parler de la Corse. Cela a toujours été ma position qui s’articulait sur
trois axes : le renforcement de l’Etat de droit, le développement de l’action culturelle,
notamment pour ce qui concerne la langue corse, et un plan économique.
Cette politique n’a pas été élaborée à la suite des revendications de Tralonca,
elle avait déjà été présentée à plusieurs reprises et si vous reprenez mes différentes
déclarations sur la Corse, vous verrez que mes propos n’ont jamais varié et que ma
position a toujours été la même : Etat de droit lié à un certain nombre de mesures
économiques, d’autant que les faits se situaient à l’époque où l’on préparait le projet de
zone franche. Un vaste débat s’était engagé sur la question de savoir s’il fallait y englober
une partie de l’île ou son intégralité, s’il fallait la limiter à Bastia et Ajaccio ou s’il fallait
placer toute le Corse en zone franche, ce qui était d’ailleurs l’une des grandes
revendications nationalistes à laquelle j’étais personnellement très opposé, considérant
que, pour être efficace, la zone franche ne devait pas s’appliquer à la Corse dans son
ensemble. Il y a eu des arbitrages gouvernementaux et je crois me souvenir que c’est la
totalité de la Corse qui a été déclarée zone franche.
M. le Président : Mais comment expliquez-vous cette coïncidence car, là aussi, j’essaie de
comprendre : est-ce que les nationalistes en anticipant vos déclarations du lendemain ont
posé un certain nombre de conditions à l’arrêt des attentats avant même que vous ne
fassiez vous-même ces déclarations sur place ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Monsieur le président, j’ai dû m’exprimer sur la Corse avant de
me rendre à Ajaccio, quatre ou cinq fois et je vous ai expliqué qu’à toutes ces occasions,
j’ai redit exactement la même chose. Les propos que j’ai tenus répondaient aux demandes
de la quasi-totalité des parlementaires, des conseillers généraux et du président du conseil
exécutif de l’assemblée territoriale, donc des élus corses ainsi que des socioprofessionnels
que j’ai également rencontrés car il est nécessaire, pour tout ministre qui prépare un
déplacement aussi important, d’avoir des contacts avec eux. Par conséquent, il n’y avait,
dans mon discours – et je l’ai relu ce matin, rien qui soit nouveau...
M. le Rapporteur : Sans aucune agressivité, mais pour essayer de comprendre, j’aimerais
que vous nous précisez si vous avez eu le texte de la conférence de presse avant d’arriver
en Corse ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Le texte de quoi ?
M. le Rapporteur : Le texte de la conférence de presse de Tralonca, que les
renseignements généraux nous ont dit vous avoir transmis dans la nuit ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Les renseignements généraux peuvent vous expliquer ce qu’ils
veulent : je n’ai pas eu le texte de la conférence de Tralonca car j’ai appris sa tenue en
arrivant sur le sol d’Ajaccio à huit heures du matin. Je n’ai donc pas eu le texte...
M. le Rapporteur : M. Jacques Coëffé qui était préfet en exercice a déclaré au journal Le
Monde qu’avant cette conférence de presse : « il y avait eu des discussions à Paris entre le
ministère de l’Intérieur et les nationalistes dont je n’avais absolument pas été averti. Il
était prévu que le FNLC annonce une trêve juste avant l’arrivée de Jean-Louis Debré
mais les images ont tellement choqué l’opinion que l’effet inverse de celui qui était
recherché a été obtenu... ».
M. Jean-Louis DEBRÉ : Ecoutez, je peux répéter ce que j’ai déjà dit, d’ailleurs j’ignore
ce que c’est que « le ministère ». Vous savez, dans cette affaire, on peut tout dire et son
contraire. Moi, je peux peut-être vous expliquer, sans agressivité non plus, que les
conférences de presse tenues récemment ont été préparées : je pourrais le dire, mais je ne
le fais pas parce que j’ai une certaine conception de l’Etat. Je pourrais vous expliquer qu’à
la suite de ces récentes conférences de presse, il n’y a pas eu, à ma connaissance,
d’ouverture d’informations judiciaires. Je pourrais vous expliquer également que certains
journalistes y ayant participé avec des caméras, vous devriez peut-être vous montrer plus
prudents, de même que je pourrais, me concernant, vous renvoyer, non pas au discours que
j’ai fait mais, je m’en souviens à l’instant, à l’interview que j’ai donnée à Nice-matin, dans
laquelle j’ai, à l’avance, expliqué quelle devait être la politique du gouvernement en Corse.
Que les nationalistes aient, par la suite, calqué leur discours, lequel est très confus – si
vous relisez le texte de la conférence de presse vous verrez qu’il est incompréhensible –
me semble évident et c’est de bonne guerre...
M. le Président : (Montrant une photo du rassemblement de Tralonca) Vous avez vu cette
photo tout de même ? Cela fait du monde...Vous contestiez la présence de 600 personnes...
M. Yves FROMION : Tout de même !
M. Jean-Louis DEBRÉ : Oui, je l’ai vue, Monsieur le président, je ne conteste pas la
présence de nombreuses personnes, mais l’attitude d’élus qui consiste à reprendre
purement et simplement le chiffre annoncé par les nationalistes. Vous ne m’avez jamais
entendu dire qu’il y avait 550, 400, 300 ou 200 personnes. Je dis simplement : soyons un
tout petit peu critique à l’égard de ces gens-là, car il semblerait que les services de police
ont appris par la suite – en tout cas ils le déclaraient – qu’il y avait parmi les personnes
présentes beaucoup de mannequins...
Tout est possible ! Moi, je ne procède pas par certitude et je vous admire de
pouvoir le faire...
M. le Rapporteur : Monsieur le ministre, il y a une déclaration du préfet en exercice que
je viens de vous lire, il y a une déclaration du président de la République, en date du
14 juillet, qui condamne les discussions ou tractations qui ont pu avoir lieu entre le
ministre...
M. Jean-Louis DEBRÉ : A ma connaissance il n’a pas parlé de « ministre »...
M. le Rapporteur : Vous semblez nier une politique qui, par ailleurs, pourrait
s’expliquer : je ne porte pas de jugement de valeur.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je ne nie pas...
M. Yves FROMION : On fait un procès à M. Debré. Je ne vois pas pourquoi il répond à
ces accusations ! C’est un véritable procès !
M. le Président : M. Fromion, nous sommes dans une commission d’enquête !
M. Yves FROMION: Oui, mais les comportements dans cette commission d’enquête
n’ont rien à voir avec ceux qui ont prévalu jusqu’à présent ! Ou alors il faudrait faire
revenir tous ceux que nous avons déjà auditionnés.
M. le Président : Nous sommes disposés à faire revenir qui vous voulez pour poser des
questions qui intéressent la commission d’enquête. Jusqu’à nouvel ordre, M. Fromion,
permettez-moi de vous dire qu’il y a un rapporteur...
M. Jean-Louis DEBRÉ : A ce moment-là, cela m’intéresserait vivement de faire partie de
la commission d’enquête parce que je pourrais interroger un certain nombre d’anciens
ministres socialistes, afin de savoir pourquoi, alors que j’étais magistrat dans les
années 83-84...
M. le Président : Cela ne concerne pas la période qui nous intéresse !
M. Franck DHERSIN : Cela vous arrange bien !
M. Yves FROMION : Ça devient lamentable !
M. Jean-Louis DEBRÉ : ... et je ferai en sorte que l’on me libère du secret de
l’instruction si c’est possible pour vous dire comment on a négocié avec des nationalistes
en 1982-1983 et durant d’autres années.
Quand je vous ai expliqué tout à l’heure que moi je n’ai jamais participé à une
négociation ou à une discussion dans la région parisienne, le soir, je ne visais pas
uniquement mon prédécesseur immédiat...
M. le Rapporteur : Mais le prédécesseur de votre prédécesseur ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je ne donne pas de nom...
M. le Rapporteur : Monsieur le ministre, que vous ne soyez pas l’initiateur de cette
politique, j’en suis tout à fait d’accord !... Je pense qu’il y a eu discussion avec une
branche des nationalistes : c’était à l’époque le FLNC-canal habituel et le MPA...
M. Yves FROMION : Il ne faut pas répondre, c’est scandaleux !
M. le Rapporteur : ... M. Pierre Joxe serait prêt à le reconnaître. Je pense qu’une
discussion s’est amorcée entre M. Pasqua et le FLNC-canal historique, que vous avez
poursuivie, y compris avec les mêmes collaborateurs puisque M. Léandri était chargé des
affaires corses dans le cabinet de M. Pasqua et le vôtre...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Non !
M. Yves FROMION : On verra comment ils vont répondre à Matignon !
M. le Président : Je vous en prie !
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je vous dis, moi, que je n’ai négocié avec personne, que je n’ai
eu aucune discussion et que mon problème était, d’une part, d’arriver à restaurer l’Etat de
droit – je vous ai montré ce qui a été fait – et, d’autre part, de faire en sorte que le
mouvement nationaliste arrête ses agissements. Je n’ai négocié avec personne !
M. le Rapporteur : Discuter avec le mouvement nationaliste peut être un moyen pour
rétablir l’Etat de droit...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Pas à mes yeux !
M. Le Président : N’y a-t-il pas eu, M. Debré, un changement d’attitude après l’attentat
commis contre la mairie de Bordeaux ? En effet, on a cru déceler au sein du gouvernement
une différence de traitement de l’affaire corse à partir du moment où le Premier ministre,
sans doute inquiet des dérives observées, est directement touché dans une ville qui lui est ô
combien chère. Encore une fois, un tel changement d’attitude n’est pas critiquable et on
peut admettre, même quand on est un responsable politique, que la voie choisie n’est pas
forcément la bonne, qu’on se trompe et qu’il est préférable de changer de cap.
M. Yves FROMION : Si Joxe l’avait fait, cela n’aurait pas été plus mal !
M. le Président : Excusez-moi, M. Fromion. Je répète que cela n’a rien de critiquable et
je suis prêt à reconnaître que les décisions prises par M. Debré – je pense à la nomination
de Claude Erignac – étaient sans doute de très bons choix. Je ne les discute pas. En ce qui
concerne les négociations avec les nationalistes, tout le monde s’accorde à dire que des
discussions ont eu lieu pendant une longue période, qui déborde le cadre de notre
commission d’enquête. Je considère que c’était une erreur ; cela n’enlève rien au fait
qu’enquêtant sur une période déterminée, nous avons besoin de connaître la stratégie du
gouvernement à l’égard de la Corse et je ne vous cache pas que je suis un tout petit peu
surpris de vos affirmations alors que ceux que nous avons entendus, qu’il s’agisse de
fonctionnaires ou de responsables politiques, ont tous reconnu qu’il y a eu jusqu’en 1996,
notamment dans la seconde partie de 1996, des discussions entre les nationalistes et le
gouvernement, ce qui – je tiens à le dire aussi – n’exclut pas la période antérieure à 1993.
M. Jean-Louis DEBRÉ : D’abord, Monsieur le président, vous devriez interroger un
certain nombre d’élus nationaux pour savoir s’ils n’avaient pas, quelle que soit leur
tendance politique, des liaisons très particulières avec certains nationalistes – et pas
forcément des nationalistes élus. Je ne voudrais pas donner de noms mais certains me
semblent avoir été promus à des fonctions importantes en Corse ou au niveau national...
Tous les élus entretenaient des relations avec des non élus. Je répète que je n’ai pas eu de
relations de ce type.
Ensuite, vous me dites qu’il y a eu changement de politique : peut-être, mais
je voudrais m’en tenir aux faits, le reste relevant de l’interprétation, même si je sais bien
qu’en politique cette dernière est parfois plus importante que les faits.
En ce qui concerne le rétablissement de l’Etat de droit, le nombre
d’interpellations et de déferrements de nationalistes a considérablement augmenté, à partir
de mon arrivée au ministère de l’Intérieur. Je pourrais citer l’interpellation des auteurs de
l’assassinat du président du tribunal administratif, qu’on pensait lié à des mouvements
nationalistes alors que ce n’était pas le cas puisque c’était une affaire d’ordre privé. Quant
aux attentats à l’explosif, je me souviens que la bombe déposée devant la chambre de
commerce d’Ajaccio – mais je suis prudent sur cette précision – nous a permis
d’interpeller les coupables au moment même où ils commettaient l’attentat... Il n’y a donc
pas eu, du point de vue de l’ordre public, changement de politique.
Ce qui est vrai, en revanche, c’est qu’à partir du moment où les bombes ont
franchi la Méditerranée et ont touché le continent, l’opinion publique s’en est
considérablement émue et que nous avons renforcé le dispositif policier. J’ajoute
d’ailleurs, puisque je vois quelqu’un lire un journal, que nous n’avons pas élucidé tous les
attentats dont certains journalistes, dans le jardin desquels avaient été retrouvées des mitraillettes, avaient paraît-il été l’objet... Il y avait toute une mise en scène qui m’a
semblé plus destinée à des fins politiques qu’à servir la réalité.
M. le Rapporteur : Est-ce que M. Ulrich, qui était membre du cabinet du président de la
République à partir de 1995, a contribué à définir la politique du gouvernement en Corse ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : M. Ulrich fait partie du cabinet du président de la République :
il s’intéressait à ces dossiers comme à d’autres....
M. Yves FROMION : Il n’y a qu’à lui demander !
M. Jean-Louis DEBRÉ : ...mais vous devriez effectivement lui demander !
M. le Président : Ecoutez, M. Fromion, nous n’allons pas transformer cette commission
en un débat de café du commerce : je pense que chacun est libre de poser des questions,
vous comme nous !
M. Jean-Louis DEBRÉ : Laissez-moi vous répondre, Monsieur le président :
premièrement, vous poserez la question à M. Ulrich ; deuxièmement, la politique en Corse
est conduite conformément à la Constitution qui, dans son article 20, dispose que le
gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. La politique menée en Corse
relevait donc du gouvernement et je n’avais, moi, à connaître dans mon action que des
instructions données par le Premier ministre en ce domaine.
M. le Rapporteur : Concernant le modus operandi, si j’ose dire, vous avez déclaré qu’en
raison d’un certain nombre de difficultés locales, vous aviez fréquemment eu recours au
RAID. A l’époque, est-ce vous qui avez nommé M. Dragacci ou était-il en poste à votre
arrivée ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : C’est moi qui l’ai nommé. Le SRPJ d’Ajaccio était dirigé par
Mme Ballestrazzi, puis par une autre personne, dont j’ai oublié le nom, que j’ai fait partir
au bout de huit ou neuf mois considérant que sa nomination était une erreur, puis par
M. Dragacci.
S’agissant du RAID, je l’ai fait intervenir dès le départ, car il n’y a pas
d’interpellation possible sans un certain nombre d’investigations, notamment des filatures
que la police locale peut difficilement effectuer. Cette situation n’est pas propre à la
Corse : pour la plupart des opérations de police importantes, nous avons recours, soit au
RAID, soit à l’OCRB. Par conséquent, j’avais fait appel au RAID dès le départ, et il est
vrai qu’au fur et à mesure des résultats, il s’est complètement impliqué et a procédé à de
nombreuses interpellations, soit seul, soit avec le concours du SRPJ d’Ajaccio.
M. le Rapporteur : Pourquoi avez-vous nommé M. Dragacci, quelles étaient vos... ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Mes relations avec lui ? Aucune, je ne le connaissais pas, mais
je considérais qu’il était capable de faire preuve d’autorité à l’égard des fonctionnaires de
police. Ce qui m’importait à l’époque, compte tenu de la présence du RAID et de l’OCRB,
c’était de nommer un fonctionnaire « à poigne » pour remettre un peu d’ordre dans
l’organisation de la police sur le territoire corse.
M. le Rapporteur. Etant Corse lui-même, il avait des relations étroites avec de
nombreuses personnes sur l’île. Ne pensiez-vous pas que cela pouvait constituer un
obstacle ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Monsieur le rapporteur, plus d’un tiers des fonctionnaires de
police qui servent en Corse sont originaires de l’île. C’est une erreur, mais il est très
difficile d’expliquer à un Corse qu’il n’a pas le droit de travailler en Corse, alors qu’un
Basque peut travailler au Pays basque ou un Normand en Normandie. M. Démétrius
Dragacci était considéré comme un très bon fonctionnaire de police, très bien noté par sa
hiérarchie ; il avait, je crois, déjà été en poste en Corse et y avait eu une action efficace...
M. le Rapporteur : Il était, je crois, chef de cabinet du préfet adjoint pour la sécurité.
M. Dragacci est parti au début de l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je n’étais plus en fonction !
M. Le Rapporteur : Je sais bien, mais il est parti dans des conditions assez particulières
quand même...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je n’ai pas à commenter ce qui s’est passé après mon départ du
ministère de l’Intérieur.
M. le Rapporteur : Vous avez connu le dispositif antiterroriste, non seulement comme
ministre mais aussi comme magistrat : quelle appréciation portez-vous sur ce dispositif
comprenant la 14 ème section du tribunal de Paris et la DNAT. Vous semble-t-il adapté à la
situation corse ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : J’ai vu fonctionner la division placée sous l’autorité du
contrôleur général Roger Marion et je ne peux que me féliciter du travail de ces
fonctionnaires. Je les ai appréciés lors des attentats islamistes – à mon arrivée je ne me
suis pas du tout occupé de la Corse, ayant à faire face à une vague d’attentats très durs –
puisque nous sommes parvenus à des résultats tout à fait satisfaisants, grâce, il faut bien le
dire à l’UCLAT – Unité de coordination dans la lutte antiterroriste – qui assure, sous la
responsabilité directe du ministre de l’Intérieur, la coordination des services de
renseignement, de la gendarmerie et des différents services de police. Cette division a très
bien fonctionné contre les terroristes islamistes, elle a aussi très bien fonctionné, je vous le
rappelle, contre les Basques : nous avions alors procédé à des interpellations en Bretagne
qui faisaient l’objet d’une vive campagne de presse au motif qu’elles ennuyaient les
Bretons – ce sentiment était partagé, y compris par mes propres amis politiques – mais la
suite a révélé que c’est grâce à elles que les principaux responsables du mouvement
terroriste basque ont pu être arrêtés.
Pour ce qui concerne la Corse, les fonctionnaires de la division dirigée par
M. Roger Marion ont très bien travaillé ; cependant toutes les interpellations qui ont eu
lieu – et il n’y en avait jamais eu autant auparavant – ont été le fruit du travail, non pas
d’une division, mais d’un ensemble de services. Il n’y a pas de bonne politique de lutte
contre le terrorisme menée simplement avec quelques fonctionnaires. Il faut que les
services de renseignement soient efficaces – en Corse ce n’est pas la DST qui est
compétente, mais les renseignements généraux. Or, il se trouve qu’en Corse il y avait
quelques très bons fonctionnaires des renseignements généraux qui ont fait un travail
d’une qualité tout à fait exceptionnelle. Des investigations avaient été effectuées à la fois
par l’OCRB et le RAID, d’autres investigations et un certain nombre d’observations,
parfois plus sujettes à caution quant à leur précision, avaient été réalisées par les différents
SRPJ. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il existait en Corse, comme toujours, des
problèmes de coordination avec les services de police, les services de gendarmerie,
l’administration pénitentiaire et l’autorité judiciaire.
M. le Président : Pensez-vous que la « guerre des polices » dont on parle, formule sans
doute excessive – ou la « concurrence » parfois exacerbée est plus forte en Corse
qu’ailleurs ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je le pense. Cela dépend des endroits mais je crois qu’une
bonne politique – que j’avais essayé de développer, ce qui est très difficile compte tenu du
statut de la fonction publique –, veut qu’en Corse, on ne laisse pas les fonctionnaires de
police, qu’ils soient ou non originaires de l’île, trop longtemps en poste. La même
remarque peut être faite pour l’administration préfectorale, car on a tendance à prendre un
certain nombre d’habitudes. Cela ne met aucunement en cause la qualité de ces
fonctionnaires, simplement la Corse est une petite île où tout se sait, où tout le monde se
connaît et je considère qu’il est préférable de faire tourner régulièrement les représentants
de l’administration.
M. Jean-Pierre BLAZY : Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur l’affaire de
Tralonca pour vous faire réagir au livre récemment publié de M. Alain Laville qui est
intitulé Un crime politique en Corse ; Claude Erignac, le préfet assassiné et sous-titré Les
secrets d’une affaire d’Etat.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je ne l’ai pas lu !
M. Jean-Pierre BLAZY : Outre qu’il rappelle qu’il y aurait eu 500 ou 600 personnes à
Tralonca, cet événement s’étant déroulé un mois avant l’arrivée de Claude Erignac, il
consacre de longs développements aux analyses et aux réactions du préfet. Comme il s’agit
du seul ouvrage publié sur la question, je voudrais vous faire réagir à sa lecture.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Oui, je connais le passage...
M. Jean-Pierre BLAZY : « Claude Erignac se charge d’expliquer lui-même à certains
de ses collaborateurs que l’on a enrôlé des infirmières pour 500 francs la soirée, qu’elles
ont tenu leur fusil-mitrailleur comme un bébé, et qu’après on a oublié de ramasser leurs
mégots tachés de rouge à lèvres écrasés dans le maquis. Plus on s’avance vers la nuit au
bout des arbres, plus les silhouettes cachent les bergers, les étudiants en mal de
sensations nocturnes et autres figurants. » Plus loin, il est dit à propos des voitures
auxquelles vous avez fait allusion tout à l’heure : « quatorze numéros, pas un de plus, ont
été relevés. Nul ne s’est avisé de savoir si des armes et des explosifs ont circulé sur les
routes. Pourtant, trois jours plus tôt, le lundi, des bâtiments publics ont subi des attentats
à l’explosif dans les villes principales de l’île. Trois cents millions de dégâts pour
accélérer les négociations... » et il est dit très clairement, – c’est pourquoi je vous repose
la question – que vous auriez été informé la veille, ou dans la nuit même, par fax de la
déclaration faite par les nationalistes au cours de leur conférence de presse. Claude
Erignac aurait ensuite confié à Antoine Rufenacht qui était son ami, comme vous membre
du RPR : « se soumettre à de telles pressions sous l’apparence de l’autorité, c’est
inacceptable. Je suis déjà en porte-à-faux avec le ministre. Je le vis mal ! »
Comment réagissez-vous à ces déclarations ?
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je ne commenterai pas les propos qui sont rapportés dans cet
ouvrage. J’ai connu Claude Erignac à Sciences-Po et je ne l’ai jamais perdu de vue. Quand
je l’ai rencontré pour lui proposer d’aller en Corse, il était préfet des Yvelines et aspirait à
d’autres nominations comme préfet de région ; il ne s’est donc pas montré très heureux de
ma proposition. Je l’ai vu longuement, à plusieurs reprises : c’est avec lui que j’ai préparé
mon voyage en Corse et chacun peut dire ce qu’il a envie de dire mais, ni avant, ni après,
je n’ai senti qu’il y avait entre le préfet Erignac et moi le moindre problème. Nos relations
étaient toujours amicales, amicales avec lui, amicales avec sa femme, amicales avec ses
enfants.
La seule chose que je déplore, – et c’est pour moi un remords très profond –
c’est, alors que j’avais pris l’engagement qu’il ne resterait pas en Corse plus de dix-huit
mois, de ne pas m’y être tenu de sorte que, quelque part, je me sens un tout petit peu
responsable de ce qui est arrivé. Je n’en dirai pas plus et laisse à chacun la responsabilité
de ses propos.
M. Jean-Pierre BLAZY : Certes, mais, Monsieur le ministre, ce n’est pas sur ce point
que je vous interroge...
M. Jean-Louis DEBRÉ : Non, mais je préfère le dire.
M. Jean-Pierre BLAZY : ... oui et je le comprends très bien, d’ailleurs ce que vous venez
de dire figure en partie également dans le livre, mais je souhaitais recueillir votre réaction
sur le fait, très clairement écrit, que vous avez reçu par fax, ainsi que Matignon...
M. Jean-Louis DEBRÉ : C’est fantastique, parce que je vous ai répondu à plusieurs
reprises que je n’ai pas reçu ce fax. Je vous ai répondu très clairement ; qu’est-ce que vous
voulez de plus, que je vous le confirme par écrit ?
M. Jean-Pierre BLAZY : C’est écrit dans le livre et je voulais vous faire réagir à cette
affirmation.
M. Jean-Louis DEBRÉ : Je vous signale, mon cher collègue, que j’ai été entendu, il y a
un an, par une autre commission d’enquête, que j’ai dit la même chose et que si vous
reprenez les procès-verbaux vous verrez que mes propos n’ont pas varié d’un mot...
M. Yves FROMION : Oui, vraiment !
M. Jean-Louis DEBRÉ : Alors, vous pourriez reprendre aussi Libération et L’événement
du jeudi et analyser ce que leurs journalistes écrivent... Je vous donne ma version ; vous
pourrez, dans un mois, quand un autre livre sortira, me répéter exactement la même chose.
Moi, je vous ai dit ce que j’avais à dire : je vous ai dit que je n’ai pas reçu de fax, je vous ai
dit que je n’ai pas négocié, je vous ai dit que je n’ai pas rencontré ces gens-là, je vous ai
dit que je n’ai vu que des personnes élues, je vous ai dit que je savais parfaitement que ces
personnes élues allaient transmettre mes messages à un certain nombre de personnages
que je ne voulais pas rencontrer, moi. C’est clair !
M. Jean-Pierre BLAZY : Très bien, Monsieur le ministre, mais je voulais vous faire
réagir par rapport à ce livre, et pas du tout dans un souci polémique. M. Jean-Louis DEBRÉ : J’ai oublié de vous préciser aussi – vous auriez pu me demander
pourquoi la police n’a pas vérifié l’identité des propriétaires des voitures s’étant rendues ce
soir là à Tralonca – que celles-ci ont été identifiées en zone de gendarmerie et non pas en
zone de police et que, par conséquent, lorsque nous avons appris – et on peut retrouver
tout cela dans les archives – que la gendarmerie détenait ces numéros, dont j’ignorais
qu’ils étaient au nombre de quatorze, nous les avons immédiatement demandés car ils
avaient été relevés, j’y insiste, en zone de gendarmerie...
M. Jean-Pierre BLAZY : Et sur le fait qu’aucune information judiciaire n’ait été
ouverte...
M. Yves FROMION : On vient de dire le contraire !
M. Jean-Louis DEBRÉ : Ne dites pas cela : là aussi, il faut être sérieux ! Je ne sais pas si
vous êtes spécialiste de la justice....
M. Jean-Pierre BLAZY : Non.
M. Jean-Louis DEBRÉ : ... mais il y a une distinction entre l’enquête préliminaire et la
décision d’ouvrir une instruction judiciaire : je parle sous le contrôle de la présidente de la
Commission des lois et d’un magistrat.
Le procureur général – et c’est normal – a demandé une enquête préliminaire
sous le contrôle du procureur de la République. A la suite de cette enquête préliminaire, le
parquet de Paris a ouvert une instruction judiciaire confiée à deux magistrats qui ont
délivré deux commissions rogatoires : le reste relève de la justice et non pas de moi. Qu’y
a-t-il dans ces commissions rogatoires, je ne le sais pas, mais puisque vous avez les
quatorze numéros d’immatriculation, demandez à être entendu par les magistrats
instructeurs et donnez-leur ces numéros.
Je constate simplement que M. Laville, dans son livre, n’a pas communiqué
les quatorze numéros de voitures et je méfie aussi de ceux qui disent : « y a qu’à », « faut
qu’on » etc. Voilà !

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