M. le Président :
Monsieur Debré, vous avez été ministre de l’Intérieur
au sein des deux gouvernements de M. Alain Juppé, de mai 1995 à
mai 1997. Nous aimerions que vous évoquiez la situation de la Corse
au moment où vous avez pris vos fonctions et que vous nous informiez
sur les grandes orientations de la politique que vous avez menée,
ainsi que sur l’organisation de la coordination entre les différents
services et ministères chargés d’assurer le fonctionnement
des forces de sécurité en Corse.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Si vous le permettez, je ferai quelques remarques préliminaires,
avant de répondre à vos questions.
Première remarque,
en ce qui concerne la Corse, je crois qu’il faut être assez modeste
car depuis vingt ans, quelle que soit notre tendance politique, nous y
sommes confrontés à des problèmes. Il faut donc éviter,
en tout cas c’est ce que je ferai pour ma part, les « y a qu’à
», « faut qu’on ». D’ailleurs vous ne m’avez jamais entendu
critiquer l’action de mes prédécesseurs quels qu’ils fussent
quant à leur politique à l’égard du problème
corse.
Deuxième remarque,
nous avons, pendant les deux années où j’ai occupé
les fonctions de ministre de l’Intérieur, fait un effort important
pour essayer de restaurer, de raffermir l’Etat de droit en Corse. Nous
disposions alors de moyens de police permanents – je vous rappelle que
le ratio policiers/habitants est, en Corse, bien plus élevé
que sur l’ensemble du territoire
métropolitain puisqu’il
y est de un pour 233 alors que la moyenne nationale est de l’ordre de 1
pour 435 – qui se sont trouvés renforcés durant l’époque
où j’avais des responsabilités gouvernementales par des forces
mobiles de la gendarmerie qui ont atteint jusqu’à 800 hommes.
De surcroît, j’ai, de
manière quasiment permanente, fait opérer en Corse le RAID
– l’unité d’élite de la police nationale – mais à
la suite de la mort d’un fonctionnaire de police, M. Canto, lors de l’interpellation
d’un nationaliste, je l’ai fait revenir et je l’ai remplacé par
l’OCRB, l’Office central pour la répression du banditisme.
Par conséquent, les
moyens de la police étaient considérables.
Quel a été le
bilan de son action ? Je vous rappelle que, de janvier 1995 à mai
ou juin 1997, plus de 330 terroristes ont été interpellés
et près de 120 écroués, dont certains étaient
bien connus des services de police pour avoir déjà été
incarcérés avant de bénéficier de deux lois
d’amnistie. En 1996, il y a eu environ 540 actes criminels, attentats par
explosifs, par armes à feu ou incendies alors qu’il y en avait eu
559 en 1994, 573 en 1993 et 621 en 1992.
En ce qui concerne la délinquance
de droit commun, puisque je n’ai jusqu’à maintenant évoqué
que la violence liée au terrorisme ou au nationalisme, je
voudrais rappeler un certain nombre de faits. En 1996 et 1997, la violence
de droit commun a
régressé très
sensiblement en Corse puisque les crimes et délits constatés
ont diminué d’environ 22 %, alors qu’ils avaient augmenté
de 33 % en 1988 et en 1992. Les attaques de banques qui s’élevaient
à 253 durant les années 1987 à 1994 sont tombées
à un niveau de l’ordre de 150. Le taux d’élucidation des
affaires de droit commun a progressé et il était
sensiblement meilleur que
celui de l’ensemble du territoire national puisqu’il était en Corse
très légèrement supérieur à 40 %, alors
que la moyenne nationale était de l’ordre de 30,2 %.
Troisième remarque,
j’avais nommé, en Corse, Claude Erignac comme préfet. Il
était en poste dans les Yvelines et l’un de mes amis depuis longtemps,
et avait reçu la mission précise d’établir un rapport
très circonstancié, incluant au besoin des
photographies, sur l’utilisation
des différentes subventions de l’Etat, des collectivités
locales ou de la Communauté européenne. Je m’étais
à l’époque interrogé sur l’administration préfectorale
en me demandant s’il fallait maintenir en Corse un préfet de police,
plus exactement un préfet adjoint pour la sécurité.
J’étais, en effet, tenté – et je le suis resté longtemps
– de supprimer ce poste pour que l’administration préfectorale,
en Corse, soit à l’image de ce qu’elle est sur l’ensemble du territoire
national où il n’y a de préfet de police que dans les grosses
zones urbaines telles que Paris, Lyon, Marseille, Lille
ou Strasbourg. La présence
d’un préfet adjoint pour la sécurité en Corse, compte
tenu de l’importance de la population ne se justifiait pas, mais j’ai finalement
renoncé à le supprimer car c’eût été
interprété comme une volonté de diminuer le poids
et le rôle de la police. Néanmoins, il est vrai qu’il y avait
à l’époque, et qu’il y a toujours, un problème de
coordination entre le préfet adjoint pour la sécurité
et les deux préfets, celui d’Ajaccio et celui de Bastia.
Quatrième remarque,
liée à ce que je viens de vous dire, il y a une tentation
pour le préfet de Corse, de se substituer à l’autorité
de police ou de gendarmerie. Pourquoi ? Parce qu’il est vrai que le fonctionnement
des services de police n’y est pas très satisfaisant en dépit
de l’action de fonctionnaires de qualité. Par exemple, l’absentéisme
en Corse est très élevé, en tout cas plus élevé
que sur l’ensemble du territoire métropolitain. Il est de l’ordre
de 10 % des effectifs pour les unités dites « en tenue »
; comme il était particulièrement scandaleux à Corte,
j’ai été amené à supprimer le commissariat,
ce qui m’a valu des manifestations importantes – je « remercie »
d’ailleurs ceux qui, à l’époque, ont soutenu les manifestants
– et j’ai fait redéployer les forces de la gendarmerie car il y
avait à Corte des fonctionnaires que l’on n’avait pas vus depuis
très longtemps dans le commissariat, ce que tout le monde trouvait
très bien... Fort de ces constatations et d’un certain nombre d’autres
remarques, j’ai envoyé à de multiples reprises le médecin
de la police en Corse pour essayer de faire baisser l’absentéisme,
notamment à la veille des vacances ou pendant la période
estivale, ce qui a motivé une importante manifestation organisée
contre moi devant la préfecture d’Ajaccio, soutenue par un certain
nombre de nos adversaires politiques de l’époque qui
n’ont pas su, malgré
tout ce qui a pu être dit, que l’action des manifestants visait d’abord
à s’élever contre la présence très fréquente
des médecins de la police nationale, qui vérifiaient tous
les arrêts de travail. Cela perturbait un certain nombre d’habitudes.
En outre, j’ai changé à deux reprises les patrons du SRPJ
d’Ajaccio, qui étaient peut-être de bons policiers mais qui
n’avaient pas la capacité, la volonté ou les moyens de diriger
leur service.
Par ailleurs, j’ai décidé
de muter sur le champ – et c’est un cas très rare dans l’histoire
de la police en Corse – un certain nombre de fonctionnaires afin qu’ils
quittent l’île dans la journée, d’ailleurs sans grand succès
puisque, s’étant aussitôt mis en arrêt de maladie, ils
sont restés sur place. S’il est vrai que le fonctionnement des services
de police en Corse n’est pas
satisfaisant, cette caractéristique
n’est pas propre à ces services : je me souviens parfaitement bien
de mon étonnement lorsque j’ai découvert, après avoir
demandé à l’administration pénitentiaire de procéder
à certaines vérifications dans les cellules de nationalistes
qui avaient été interpellés, qu’un grand nombre d’entre
eux possédaient des portables. Ce dysfonctionnement n’est pas propre
à la police, ni à l’administration pénitentiaire puisque
j’avais également remarqué qu’un certain nombre de magistrats
n’avaient pas une attitude ou des relations conformes à ce que je
pensais qu’elles devaient
être.
Pour autant, je n’ai jamais
accepté, comme certains me le demandaient, de mettre en place des
structures parallèles, ni une liaison directe ou trop étroite
entre l’autorité préfectorale et les services de police,
estimant qu’il fallait toujours que la
hiérarchie policière
fonctionne.
Néanmoins, fort de
ces constatations, ainsi que je vous l’ai dit tout à l’heure, j’ai
fait intervenir en permanence – et je ne le regrette pas – le RAID. Lorsqu’un
certain nombre de nationalistes importants ont été interpellés,
les opérations avaient été préparées
de Paris ; en outre, elle étaient déclenchées au dernier
moment, grâce au concours du ministère de la Défense
qui avait prêté un Transal, de manière à ce
que les forces de police puissent débarquer à six heures
du matin, la préparation de ces opérations donnant toujours
lieu à un certain nombre de fuites qui nuisaient à leur efficacité.
Telles sont, M. le Président,
les différentes remarques que je tenais à faire pour la période
durant laquelle j’ai été responsable de la police et notamment
de son action en Corse.
Pour être tout à
fait complet, j’ajouterai que les différentes opérations
que nous avons menées à bien pour l’interpellation de nationalistes
ou de terroristes – suivant l’appellation que vous leur donnez – ont réussi
à la suite d’un travail important. Lors de
mon arrivée à
la tête du ministère de l’Intérieur et fort de mon
expérience de magistrat, j’avais constaté que le travail
de police judiciaire n’était pas fait correctement et que la police
n’avait, concernant un certain nombre de personnages connus pour leur activité
nationaliste, ni constitué de dossiers, ni étudié
régulièrement leur environnement de telle sorte que lorsqu’ils
étaient suspectés d’être les auteurs d’un acte délictueux,
on n’avait rien, ni photos récentes, ni informations sur leurs différents
points de chute. Si nous avons pu redresser la barre c’est, en grande partie,
grâce au travail d’un certain nombre de fonctionnaires de police
auxquels je voudrais rendre hommage, ceux des renseignements généraux
qui ont accompli, et je crois continuent à accomplir, un travail
en profondeur pour permettre, aux services de police lorsque c’est nécessaire,
sous la conduite des magistrats, de procéder à un certain
nombre d’interpellations.
M. le Président
: Vous arrivez au ministère de l’Intérieur en mai 1995,
vous succédez alors à M. Charles Pasqua...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Cela ne m’a pas échappé !
M. le Président
: Si je comprends bien vos propos, vous faites une critique assez vive
de l’action de M. Charles Pasqua qui a occupé ces fonctions pendant
deux ans puisque vous constatez à votre arrivée que la police
ne fonctionne pas, que le travail de police judiciaire n’est pas effectué
correctement, que la préparation des opérations sur place
est extrêmement difficile, que des fuites plus ou moins organisées
rendent le travail de la police très complexe. Est-ce qu’il y a
eu, à partir de mai 1995, ainsi que nous l’ont d’ailleurs indiqué
certains de vos collègues du gouvernement d’alors, une volonté
politique affirmée, notamment par le Premier ministre, d’avoir,
au sein du gouvernement, un seul ministre en charge des problèmes
de la Corse – je ne vous cache pas que M. Charles Millon a utilisé
l’expression de « ministre pilote » ? Etiez-vous ce ministre
pilote ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je vous ai dit, en préambule, que vous ne trouveriez dans
mes propos aucune critique à l’égard de mes prédécesseurs
quels qu’ils fussent : je crois que chacun a agi comme il l’entendait.
Je vous ai dit ce que j’ai trouvé : je ne suis pas sûr que
la situation remonte seulement à mon prédécesseur
immédiat mais c’est celle que j’ai trouvée. Tirez-en les
conclusions que vous souhaitez !
Il n’y avait pas un «
Monsieur Corse ». Il existe, au sein du gouvernement, depuis toujours,
un ministre – le ministre de l’Intérieur – qui est responsable de
l’ordre et de la sécurité, en Corse comme ailleurs. Or, comme
les problèmes qui se posaient là étaient des problèmes
de respect de l’Etat de droit, de lutte contre l’insécurité,
c’était tout naturellement le ministre de l’Intérieur qui
gérait ces dossiers. La politique du gouvernement, à l’époque,
s’articulait autour de deux axes: le retour à l’Etat de droit mais
aussi la volonté de mener, à l’égard de la Corse,
une politique d’ensemble de développement économique et social.
C’était alors les ministres compétents qui faisaient des
propositions dans ces domaines mais, naturellement, puisque tous les
problèmes sont extrêmement
liés, le ministre de l’Intérieur participait à un
certain nombre de réunions concernant des aspects qui relevaient
moins directement de sa responsabilité car, étant en charge
de l’ordre public en Corse, il était essentiel qu’il sache ce qui
se faisait dans les autres ministères.
Pour être précis,
je dirai que, personnellement, j’ai toujours été très
réservé à l’égard d’un statut administratif
spécifique à la Corse. Je vous ai fait part de mes interrogations
sur la notion de préfet de police et j’ai dit à plusieurs
reprises que je
considérais comme une
erreur de vouloir instituer un « Monsieur Corse ». Qu’un ministre,
de par la nature de ses fonctions soit, plus que d’autres, porté
à s’intéresser à la Corse, c’est évident compte
tenu des actions terroristes ou nationalistes, mais pas plus que je n’ai
été « Monsieur Islamiste » ou « Monsieur
Basque », je ne me considère comme ayant été
« Monsieur Corse».
M. le Président
: Vous indiquez qu’en Corse doivent s’appliquer les lois de la République,
ce qui me paraît la moindre des choses...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Comme partout ailleurs...
M. le Président
: Est-ce que votre attitude était la même sur le territoire
corse que sur le reste du continent ? Je pense notamment aux négociations
qui avaient lieu – ce n’est un secret pour personne – entre le ministère
de l’Intérieur et certains mouvements nationalistes ; ceux-ci étaient
souvent les auteurs d’attentats et décidaient, à la suite
de ces négociations, de poursuivre ou de suspendre les exactions
auxquelles ils se livraient en Corse comme sur le reste du territoire national.
En d’autres termes, est-ce que, parallèlement à la remise
en ordre des services de sécurité dont vous nous avez parlé,
il y avait une politique de rapprochement entre le gouvernement et les
forces nationalistes pour tenter de trouver une solution politique au problème
corse par le biais de la discussion ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Oui, Monsieur le président, et je vais m’en expliquer. Lorsque
je suis venu en Corse – je l’ai fait d’abord très clairement à
la préfecture de Corse puis très officiellement Place Beauvau
– j’ai reçu tous les représentants élus de l’assemblée
de Corse et je n’ai reçu que ces personnes-là, quelles que
soient leur opinion politique et leur appartenance. Il est bien évident,
Monsieur le président, que je savais pertinemment qu’un certain
nombre d’entre elles étaient liées à des mouvements
nationalistes et d’ailleurs elles n’en faisaient pas mystère. Quel
a été mon discours, aussi bien en Corse lorsque je les ai
reçues à la préfecture devant les caméras de
télévision et les journalistes – vous pourrez revoir les
images et consulter les articles de l’époque – que sur le continent,
Place Beauvau ?
J’ai simplement dit, et mon
discours a été le même pour tous, qu’il n’y aurait
pas de développement de la Corse sans un arrêt des actions
violentes, et je crois même me souvenir avoir déclaré
– il faudrait retrouver les textes mais je suis assez sûr de ma
mémoire – que l’on
ne met pas en prison des idées mais, que l’on met en prison des
délinquants et des criminels. Ces personnes étaient porteuses
d’un certain nombre d’idées qui n’étaient pas les miennes
quant à l’avenir de la Corse mais, à partir du moment où
elles avaient été élues, qu’elles représentaient
par conséquent la communauté corse, je les recevais au même
titre que les autres. J’ai donc reçu des représentants élus
dont certains étaient liés à des mouvements nationalistes
et je leur ai dit que le gouvernement poursuivait une politique à
la fois de fermeté en matière d’ordre public et d’ouverture
en ce qui concerne le développement économique et la prise
en compte d’un certain nombre de caractéristiques culturelles particulières
à la Corse.
Pour autant, je n’ai jamais
reçu personne, Monsieur le président, contrairement à
certains de mes prédécesseurs, en secret, dans un château
de la région parisienne, un soir d’hiver, avec un grand manteau
noir... Je n’ai reçu, moi, que des
représentants élus
de l’assemblée de Corse.
M. le Rapporteur :
Et vos collaborateurs ? M. François Santoni, dans une déclaration,
cite nommément certains de vos collaborateurs avec lesquels il aurait
été en discussion, non pas dans un château, mais à
la mairie de Paris.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je ne fais pas partie de la mairie de Paris, d’ailleurs je m’en félicite…
M. le Président
: En ce moment, il vaut mieux...
M. le Rapporteur :
Vous avez été élu du XVIII ème arrondissement
!
M. Jean-Louis DEBRÉ
: C’était à une autre époque, et à ma connaissance,
durant la période où j’étais ministre de l’Intérieur,
aucun membre de mon cabinet n’a reçu...
M. Yves FROMION : Je
n’ai pas constaté que l’on ait posé des questions avec une
telle agressivité à d’autres personnes entendues par la commission
d’enquête !
M. le Président
: M. Fromion, il n’y aucune agressivité dans le propos.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je prends cela sans aucune agressivité...
M. Franck DHERSIN :
J’approuve ce que vient de dire mon collègue.
M. le Président
: Prenons les choses avec calme !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je ne me faisais aucune illusion en venant ici, mes chers collègues,
sur les questions qui me seraient posées, l’agressivité qu’elles
pouvaient receler et l’attitude un peu calquée sur celle des procureurs
que l’on allait adopter à mon égard... Je vous le répète
: je n’ai reçu personnellement aucun nationaliste corse autre que
ceux élus à l’assemblée territoriale ; aucun de mes
collaborateurs, à ma demande ou sur instruction de ma part, n’a
reçu de ces personnages-là ; les relations se limitaient
aux personnes élues.
Cela étant, je comprends
effectivement que M. François Santoni ne me porte pas dans son coeur
puisque je vous rappelle que nous avions monté une opération,
préparée de longue date, qui a abouti, grâce d’ailleurs
au témoignage d’une personne que nous avons protégée
par la suite, à l’interpellation de Marie-Hélène Mattei,
compagne de M. Santoni. Peu après son interpellation, M. Santoni
s’est rendu au commissariat entouré de la presse. Il était
persuadé que Mme Mattei serait remise en liberté et que,
sur mes instructions ou plus exactement conformément aux instructions
du magistrat instructeur…
M. Jean-Pierre MICHEL :
Ouf
!
M. Jean-Louis DEBRÉ
: ... dont j’assume également la responsabilité, je l’ai
fait interpeller – d’ailleurs à l’époque une enquête
préliminaire était conduite à son sujet – je l’ai
fait mettre en garde à vue, je l’ai fait mettre à la disposition
de la justice et transférer dans la nuit à Paris. Il a été
présenté au juge et incarcéré, et durant toute
la période où j’ai été ministre de l’Intérieur
– c’est naturellement une coïncidence – il n’a pas été
remis en liberté. Je comprends donc fort bien que M. Santoni ne
me porte pas particulièrement dans son coeur ; telle est ma réponse.
M. le Président
: Je vais poursuivre sans qu’il y ait dans mes propos une quelconque
agressivité à votre égard car j’aimerais que chacun
admette que nous sommes ici pour essayer de comprendre et comprendre seulement.
Dans cette perspective, j’essaie d’associer les propos que nous avons déjà
entendus à ceux qui sont tenus aujourd’hui. Que vous ayez eu des
contacts avec les membres élus de l’assemblée de Corse, personne
ne peut vous en faire le reproche...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: A l’époque, on m’en a fait beaucoup !
M. le Président
: ... qu’indirectement
il y ait eu des contacts – c’est en tout cas ce que nous retenons des déclarations
antérieures – c’est une chose ; mais, pour être plus précis,
les 600 participants à la manifestation de Tralonca n’étaient
pas tous des élus corses ?...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Monsieur le Président, vous me permettez de vous
interrompre ? Vous y étiez
pour savoir qu’il y avait 600 personnes ?
M. le Président : C’est
en tout cas ce que la presse a rapporté !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: C’est ce que le mouvement nationaliste a annoncé. On va parler
de Tralonca et j’attendais
naturellement des questions à ce sujet...
M. le Président : C’est
normal ; si ce n’était pas le cas, je ne vois pas ce que nous ferions
là...
M. Franck DHERSIN : Sans agressivité,
vous y étiez ou non ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: A l’époque, les fonctionnaires ne portaient pas de cagoules !
Je
suis très frappé,
Monsieur le président, du manque d’esprit critique qui prévaut
dans
certains cas. Que certains
veuillent faire de la politique à partir de Tralonca, parfait !
Je
vous demande simplement, parce
que c’est ainsi que l’on accrédite de fausses idées, d’être
très réservé
en ce qui concerne le nombre de participants à ce rassemblement
: à force de
répéter ce que
disent les mouvements nationalistes qui avaient tendance à gonfler
les
chiffres...
M. le Président : Comme
toujours, les chiffres varient selon qu’ils proviennent des
organisateurs ou de la police.
Il y a toujours une différence de nombre…
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je ne vous ai pas donné de nombre, Monsieur le président.
La
presse fait état de
la présence de 600 personnes. Sur les photos, car nous avons examiné
les photos, nous pouvons dénombrer
30, 40, voire 100 personnes : je ne connais pas leur
nombre exact, mais je suis
persuadé qu’elles n’étaient pas 600...
M. le Président : C’est
du détail ! Acceptons, M. Debré qu’elles ne fussent pas 600,
elles
étaient en tout cas
bien présentes et elles étaient un certain nombre ! M. Millon,
qui était à
votre place il y a quelque
temps, nous a dit que les participants à cette conférence
de presse
nocturne avaient été
identifiés par les services de gendarmerie. J’aimerais savoir si
des
informations vous ont été
communiquées en tant que ministre de l’Intérieur sur
l’identification des personnes
qui participaient à cette opération.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je vais vous répondre mais permettez-moi de faire une analyse
assez longue sur Tralonca.
M. le Président : Je
vous en prie !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: D’abord, il existe hélas une tradition en Corse qui veut que
lorsqu’un nouveau ministre
de l’Intérieur entre en fonction, son arrivée soit saluée,
soit
par une vague d’explosions,
soit par des conférences de presse. Je le savais et j’avais
d’ailleurs différé
à deux ou trois reprises ma venue en Corse, prétextant les
attentats
islamistes parce que le bruit
courait – tout se sait – qu’il y avait en préparation une vague
d’attentats ou une conférence
de presse.
Ensuite, lorsque j’ai décidé
d’effectuer ce déplacement, les services de
renseignement m’avaient indiqué
qu’ils pensaient qu’il se produirait quelque chose
– vraisemblablement une conférence
de presse – dans la région de Figari ; par conséquent,
nous avions pris un certain
nombre de dispositions dans cette région, où l’implantation
nationaliste est importante
– ceux qui connaissent la Corse le savent –, non pas pour
procéder à des
interpellations, ce qui n’est pas évident – on l’a bien vu récemment
avec les
deux conférences de
presse que le gouvernement s’est montré incapable de prévoir
et
d’interpeller celles et ceux...
M. le Président : Ils
étaient quatre, et il est sans doute plus difficile de cerner quatre
personnes que 600 !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: 600 ? Moi, je n’ai pas le nombre.
M. le Président. Je
ne l’ai pas inventé : c’est le nombre qu’avance votre préfet,
M. Jacques Coëffé.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Chacun peut dire ce qu’il a envie de dire mais permettez-moi de
vous préciser que je
suis très réservé, même si c’est un détail,
sur ce nombre et que, d’une
manière générale,
je ne fais pas confiance aux nationalistes pour m’indiquer le nombre de
leurs participants…
M. le Président : Tout
à fait!
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Nous avions donc pensé que la manifestation, les explosions
– nous ne connaissions pas
encore la nature de l’événement – se produiraient dans la
plaine de Figari ou dans cette
région et nous avions effectué un certain nombre
d’observations pour essayer
d’identifier ce qui se préparait. Les informations qui nous sont
parvenues confirmaient qu’il
régnait une certaine agitation dans ce secteur. Et c’est la
veille de mon arrivée
que s’est tenue, dans une autre région, la conférence de
presse.
Je vous signale que, puisque
les renseignements qui m’avaient été fournis
n’étaient pas bons,
j’ai, dans les jours qui ont suivi cette manifestation, considérablement
changé l’organisation
de la police et notamment celle des services qui devaient me fournir
des renseignements.
Par ailleurs, dès mon
arrivée à Ajaccio, le 12 janvier si ma mémoire est
bonne,
j’ai, dans mes déclarations,
condamné cette manifestation de force.
En outre, je vous rappelle
que cette conférence de presse avait pour but – hélas
elle a eu l’effet contraire,
et en politique c’est l’image qui compte plus que la réalité
–
d’annoncer une trêve
ou la volonté de certains nationalistes de ne plus avoir recours
à des
actions violentes.
Je vous ferai également
remarquer que nous avons, à ce moment-là, renforcé
considérablement l’action
de la police et que c’est à l’occasion de l’interpellation d’un
certain nombre de nationalistes,
quelques jours plus tard, que le fonctionnaire du RAID,
M. Canto a trouvé la
mort.
Enfin, j’ai entendu dire,
par la suite, d’abord par la presse, puis par les
services de gendarmerie, que
des numéros d’immatriculation de voitures auraient été
relevés – je parle
bien d’immatriculations de voitures et non pas d’identifications de
personnes. Cependant, ces
numéros, d’après ce qui m’a été dit, n’auraient
pas été relevés
sur la route menant à
Tralonca mais sur une route nationale que l’on pouvait effectivement
emprunter pour s’y rendre
sans pour autant qu’il y ait d’indication sur le fait que les
personnes qui l’avaient empruntée
s’étaient rendues au rassemblement de Tralonca. C’est
donc à la justice qu’il
appartiendra de vous dire si elles faisaient partie des 600 personnes
qui, selon vous, participaient
à cette manifestation. En effet, une enquête préliminaire
a été
diligentée par le procureur
général, le parquet de Paris a saisi un magistrat instructeur
et il
y a actuellement deux informations
et des commissions rogatoires en cours demandées par
M. Bruguière et Mme
Le Vert.
M. le Président : M.
Debré, ma question a trait aux dysfonctionnements que nous sommes
chargés d’examiner.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Pour répondre de façon précise à votre question
: oui, nous
avons rencontré des
difficultés pour obtenir de la gendarmerie la communication de ces
numéros d’immatriculation
de voitures – j’insiste sur le fait qu’il s’agissait des numéros
de
voitures et non pas de l’identité
des personnes ayant participé à la manifestation.
Nous avons appris par la presse
que la gendarmerie aurait relevé un certain
nombre de numéros d’immatriculation.
Le préfet et les responsables de la police de
l’époque ont donc demandé
au commandant de la gendarmerie de leur fournir ces numéros
et je crois me souvenir qu’ils
ont eu du mal à les obtenir. Nous en avons déduit – mais
c’est au juge d’instruction
qu’il appartiendra de le préciser – que dans cette affaire, on
pêchait par imprécision
car les gendarmes affirmaient qu’ils n’avaient relevé aucune
identité, seulement
quelques numéros de voitures, et la presse traduisait que la
gendarmerie avait identifié
les personnes...
M. le Président : C’est
de cette manière que l’a aussi traduit M. Millon lorsque nous
l’avons entendu...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je vous dis ce que je traduis, moi. Vous savez, chacun a sa
vérité et la
vérité est multiple dans cette affaire !
M. le Président : Sans
doute ! Une question encore, totalement...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Anodine ?...
M. le Président : ...
innocente : des revendications sont posées par les nationalistes
lors de
cette réunion nocturne.
Le lendemain, vous êtes en Corse et vous y répondez point
par
point. C’est l’effet du hasard
?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Non ! Ce n’est pas un effet du hasard. D’abord, c’est point par
point le discours que j’ai
tenu aux différents nationalistes élus lorsque je les ai
reçus à
deux reprises pour parler
de la Corse. Cela a toujours été ma position qui s’articulait
sur
trois axes : le renforcement
de l’Etat de droit, le développement de l’action culturelle,
notamment pour ce qui concerne
la langue corse, et un plan économique.
Cette politique n’a pas été
élaborée à la suite des revendications de Tralonca,
elle avait déjà
été présentée à plusieurs reprises et
si vous reprenez mes différentes
déclarations sur la
Corse, vous verrez que mes propos n’ont jamais varié et que ma
position a toujours été
la même : Etat de droit lié à un certain nombre de
mesures
économiques, d’autant
que les faits se situaient à l’époque où l’on préparait
le projet de
zone franche. Un vaste débat
s’était engagé sur la question de savoir s’il fallait y englober
une partie de l’île
ou son intégralité, s’il fallait la limiter à Bastia
et Ajaccio ou s’il fallait
placer toute le Corse en zone
franche, ce qui était d’ailleurs l’une des grandes
revendications nationalistes
à laquelle j’étais personnellement très opposé,
considérant
que, pour être efficace,
la zone franche ne devait pas s’appliquer à la Corse dans son
ensemble. Il y a eu des arbitrages
gouvernementaux et je crois me souvenir que c’est la
totalité de la Corse
qui a été déclarée zone franche.
M. le Président : Mais
comment expliquez-vous cette coïncidence car, là aussi, j’essaie
de
comprendre : est-ce que les
nationalistes en anticipant vos déclarations du lendemain ont
posé un certain nombre
de conditions à l’arrêt des attentats avant même que
vous ne
fassiez vous-même ces
déclarations sur place ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Monsieur le président, j’ai dû m’exprimer sur la Corse avant
de
me rendre à Ajaccio,
quatre ou cinq fois et je vous ai expliqué qu’à toutes ces
occasions,
j’ai redit exactement la même
chose. Les propos que j’ai tenus répondaient aux demandes
de la quasi-totalité
des parlementaires, des conseillers généraux et du président
du conseil
exécutif de l’assemblée
territoriale, donc des élus corses ainsi que des socioprofessionnels
que j’ai également
rencontrés car il est nécessaire, pour tout ministre qui
prépare un
déplacement aussi important,
d’avoir des contacts avec eux. Par conséquent, il n’y avait,
dans mon discours – et je
l’ai relu ce matin, rien qui soit nouveau...
M. le Rapporteur : Sans aucune
agressivité, mais pour essayer de comprendre, j’aimerais
que vous nous précisez
si vous avez eu le texte de la conférence de presse avant d’arriver
en Corse ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Le texte de quoi ?
M. le Rapporteur : Le texte
de la conférence de presse de Tralonca, que les
renseignements généraux
nous ont dit vous avoir transmis dans la nuit ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Les renseignements généraux peuvent vous expliquer ce qu’ils
veulent : je n’ai pas eu le
texte de la conférence de Tralonca car j’ai appris sa tenue en
arrivant sur le sol d’Ajaccio
à huit heures du matin. Je n’ai donc pas eu le texte...
M. le Rapporteur : M. Jacques
Coëffé qui était préfet en exercice a déclaré
au journal Le
Monde qu’avant cette conférence
de presse : « il y avait eu des discussions à Paris entre
le
ministère de l’Intérieur
et les nationalistes dont je n’avais absolument pas été averti.
Il
était prévu
que le FNLC annonce une trêve juste avant l’arrivée de Jean-Louis
Debré
mais les images ont tellement
choqué l’opinion que l’effet inverse de celui qui était
recherché a été
obtenu... ».
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Ecoutez, je peux répéter ce que j’ai déjà
dit, d’ailleurs j’ignore
ce que c’est que « le
ministère ». Vous savez, dans cette affaire, on peut tout
dire et son
contraire. Moi, je peux peut-être
vous expliquer, sans agressivité non plus, que les
conférences de presse
tenues récemment ont été préparées :
je pourrais le dire, mais je ne
le fais pas parce que j’ai
une certaine conception de l’Etat. Je pourrais vous expliquer qu’à
la suite de ces récentes
conférences de presse, il n’y a pas eu, à ma connaissance,
d’ouverture d’informations
judiciaires. Je pourrais vous expliquer également que certains
journalistes y ayant participé
avec des caméras, vous devriez peut-être vous montrer plus
prudents, de même que
je pourrais, me concernant, vous renvoyer, non pas au discours que
j’ai fait mais, je m’en souviens
à l’instant, à l’interview que j’ai donnée à
Nice-matin, dans
laquelle j’ai, à l’avance,
expliqué quelle devait être la politique du gouvernement en
Corse.
Que les nationalistes aient,
par la suite, calqué leur discours, lequel est très confus
– si
vous relisez le texte de la
conférence de presse vous verrez qu’il est incompréhensible
–
me semble évident et
c’est de bonne guerre...
M. le Président : (Montrant
une photo du rassemblement de Tralonca) Vous avez vu cette
photo tout de même ?
Cela fait du monde...Vous contestiez la présence de 600 personnes...
M. Yves FROMION : Tout de
même !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Oui, je l’ai vue, Monsieur le président, je ne conteste pas la
présence de nombreuses
personnes, mais l’attitude d’élus qui consiste à reprendre
purement et simplement le
chiffre annoncé par les nationalistes. Vous ne m’avez jamais
entendu dire qu’il y avait
550, 400, 300 ou 200 personnes. Je dis simplement : soyons un
tout petit peu critique à
l’égard de ces gens-là, car il semblerait que les services
de police
ont appris par la suite –
en tout cas ils le déclaraient – qu’il y avait parmi les personnes
présentes beaucoup
de mannequins...
Tout est possible ! Moi, je
ne procède pas par certitude et je vous admire de
pouvoir le faire...
M. le Rapporteur : Monsieur
le ministre, il y a une déclaration du préfet en exercice
que
je viens de vous lire, il
y a une déclaration du président de la République,
en date du
14 juillet, qui condamne les
discussions ou tractations qui ont pu avoir lieu entre le
ministre...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: A ma connaissance il n’a pas parlé de « ministre »...
M. le Rapporteur : Vous semblez
nier une politique qui, par ailleurs, pourrait
s’expliquer : je ne porte
pas de jugement de valeur.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je ne nie pas...
M. Yves FROMION : On fait
un procès à M. Debré. Je ne vois pas pourquoi il répond
à
ces accusations ! C’est un
véritable procès !
M. le Président : M.
Fromion, nous sommes dans une commission d’enquête !
M. Yves FROMION: Oui, mais
les comportements dans cette commission d’enquête
n’ont rien à voir avec
ceux qui ont prévalu jusqu’à présent ! Ou alors il
faudrait faire
revenir tous ceux que nous
avons déjà auditionnés.
M. le Président : Nous
sommes disposés à faire revenir qui vous voulez pour poser
des
questions qui intéressent
la commission d’enquête. Jusqu’à nouvel ordre, M. Fromion,
permettez-moi de vous dire
qu’il y a un rapporteur...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: A ce moment-là, cela m’intéresserait vivement de faire
partie de
la commission d’enquête
parce que je pourrais interroger un certain nombre d’anciens
ministres socialistes, afin
de savoir pourquoi, alors que j’étais magistrat dans les
années 83-84...
M. le Président : Cela
ne concerne pas la période qui nous intéresse !
M. Franck DHERSIN : Cela vous
arrange bien !
M. Yves FROMION : Ça
devient lamentable !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: ... et je ferai en sorte que l’on me libère du secret de
l’instruction si c’est possible
pour vous dire comment on a négocié avec des nationalistes
en 1982-1983 et durant d’autres
années.
Quand je vous ai expliqué
tout à l’heure que moi je n’ai jamais participé à
une
négociation ou à
une discussion dans la région parisienne, le soir, je ne visais
pas
uniquement mon prédécesseur
immédiat...
M. le Rapporteur : Mais le
prédécesseur de votre prédécesseur ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je ne donne pas de nom...
M. le Rapporteur : Monsieur
le ministre, que vous ne soyez pas l’initiateur de cette
politique, j’en suis tout
à fait d’accord !... Je pense qu’il y a eu discussion avec une
branche des nationalistes
: c’était à l’époque le FLNC-canal habituel et le
MPA...
M. Yves FROMION : Il ne faut
pas répondre, c’est scandaleux !
M. le Rapporteur : ... M.
Pierre Joxe serait prêt à le reconnaître. Je pense qu’une
discussion s’est amorcée
entre M. Pasqua et le FLNC-canal historique, que vous avez
poursuivie, y compris avec
les mêmes collaborateurs puisque M. Léandri était chargé
des
affaires corses dans le cabinet
de M. Pasqua et le vôtre...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Non !
M. Yves FROMION : On verra
comment ils vont répondre à Matignon !
M. le Président : Je
vous en prie !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je vous dis, moi, que je n’ai négocié avec personne, que
je n’ai
eu aucune discussion et que
mon problème était, d’une part, d’arriver à restaurer
l’Etat de
droit – je vous ai montré
ce qui a été fait – et, d’autre part, de faire en sorte que
le
mouvement nationaliste arrête
ses agissements. Je n’ai négocié avec personne !
M. le Rapporteur : Discuter
avec le mouvement nationaliste peut être un moyen pour
rétablir l’Etat de
droit...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Pas à mes yeux !
M. Le Président : N’y
a-t-il pas eu, M. Debré, un changement d’attitude après l’attentat
commis contre la mairie de
Bordeaux ? En effet, on a cru déceler au sein du gouvernement
une différence de traitement
de l’affaire corse à partir du moment où le Premier ministre,
sans doute inquiet des dérives
observées, est directement touché dans une ville qui lui
est ô
combien chère. Encore
une fois, un tel changement d’attitude n’est pas critiquable et on
peut admettre, même
quand on est un responsable politique, que la voie choisie n’est pas
forcément la bonne,
qu’on se trompe et qu’il est préférable de changer de cap.
M. Yves FROMION : Si Joxe
l’avait fait, cela n’aurait pas été plus mal !
M. le Président : Excusez-moi,
M. Fromion. Je répète que cela n’a rien de critiquable et
je suis prêt à
reconnaître que les décisions prises par M. Debré –
je pense à la nomination
de Claude Erignac – étaient
sans doute de très bons choix. Je ne les discute pas. En ce qui
concerne les négociations
avec les nationalistes, tout le monde s’accorde à dire que des
discussions ont eu lieu pendant
une longue période, qui déborde le cadre de notre
commission d’enquête.
Je considère que c’était une erreur ; cela n’enlève
rien au fait
qu’enquêtant sur une
période déterminée, nous avons besoin de connaître
la stratégie du
gouvernement à l’égard
de la Corse et je ne vous cache pas que je suis un tout petit peu
surpris de vos affirmations
alors que ceux que nous avons entendus, qu’il s’agisse de
fonctionnaires ou de responsables
politiques, ont tous reconnu qu’il y a eu jusqu’en 1996,
notamment dans la seconde
partie de 1996, des discussions entre les nationalistes et le
gouvernement, ce qui – je
tiens à le dire aussi – n’exclut pas la période antérieure
à 1993.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: D’abord, Monsieur le président, vous devriez interroger un
certain nombre d’élus
nationaux pour savoir s’ils n’avaient pas, quelle que soit leur
tendance politique, des liaisons
très particulières avec certains nationalistes – et pas
forcément des nationalistes
élus. Je ne voudrais pas donner de noms mais certains me
semblent avoir été
promus à des fonctions importantes en Corse ou au niveau national...
Tous les élus entretenaient
des relations avec des non élus. Je répète que je
n’ai pas eu de
relations de ce type.
Ensuite, vous me dites qu’il
y a eu changement de politique : peut-être, mais
je voudrais m’en tenir aux
faits, le reste relevant de l’interprétation, même si je sais
bien
qu’en politique cette dernière
est parfois plus importante que les faits.
En ce qui concerne le rétablissement
de l’Etat de droit, le nombre
d’interpellations et de déferrements
de nationalistes a considérablement augmenté, à partir
de mon arrivée au ministère
de l’Intérieur. Je pourrais citer l’interpellation des auteurs de
l’assassinat du président
du tribunal administratif, qu’on pensait lié à des mouvements
nationalistes alors que ce
n’était pas le cas puisque c’était une affaire d’ordre privé.
Quant
aux attentats à l’explosif,
je me souviens que la bombe déposée devant la chambre de
commerce d’Ajaccio – mais
je suis prudent sur cette précision – nous a permis
d’interpeller les coupables
au moment même où ils commettaient l’attentat... Il n’y a
donc
pas eu, du point de vue de
l’ordre public, changement de politique.
Ce qui est vrai, en revanche,
c’est qu’à partir du moment où les bombes ont
franchi la Méditerranée
et ont touché le continent, l’opinion publique s’en est
considérablement émue
et que nous avons renforcé le dispositif policier. J’ajoute
d’ailleurs, puisque je vois
quelqu’un lire un journal, que nous n’avons pas élucidé tous
les
attentats dont certains journalistes,
dans le jardin desquels avaient été retrouvées des
mitraillettes, avaient paraît-il été l’objet... Il
y avait toute une mise en scène qui m’a
semblé plus destinée
à des fins politiques qu’à servir la réalité.
M. le Rapporteur : Est-ce
que M. Ulrich, qui était membre du cabinet du président de
la
République à
partir de 1995, a contribué à définir la politique
du gouvernement en Corse ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: M. Ulrich fait partie du cabinet du président de la République
:
il s’intéressait à
ces dossiers comme à d’autres....
M. Yves FROMION : Il n’y a
qu’à lui demander !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: ...mais vous devriez effectivement lui demander !
M. le Président : Ecoutez,
M. Fromion, nous n’allons pas transformer cette commission
en un débat de café
du commerce : je pense que chacun est libre de poser des questions,
vous comme nous !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Laissez-moi vous répondre, Monsieur le président :
premièrement, vous
poserez la question à M. Ulrich ; deuxièmement, la politique
en Corse
est conduite conformément
à la Constitution qui, dans son article 20, dispose que le
gouvernement détermine
et conduit la politique de la Nation. La politique menée en Corse
relevait donc du gouvernement
et je n’avais, moi, à connaître dans mon action que des
instructions données
par le Premier ministre en ce domaine.
M. le Rapporteur : Concernant
le modus operandi, si j’ose dire, vous avez déclaré qu’en
raison d’un certain nombre
de difficultés locales, vous aviez fréquemment eu recours
au
RAID. A l’époque, est-ce
vous qui avez nommé M. Dragacci ou était-il en poste à
votre
arrivée ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: C’est moi qui l’ai nommé. Le SRPJ d’Ajaccio était dirigé
par
Mme Ballestrazzi, puis par
une autre personne, dont j’ai oublié le nom, que j’ai fait partir
au bout de huit ou neuf mois
considérant que sa nomination était une erreur, puis par
M. Dragacci.
S’agissant du RAID, je l’ai
fait intervenir dès le départ, car il n’y a pas
d’interpellation possible
sans un certain nombre d’investigations, notamment des filatures
que la police locale peut
difficilement effectuer. Cette situation n’est pas propre à la
Corse : pour la plupart des
opérations de police importantes, nous avons recours, soit au
RAID, soit à l’OCRB.
Par conséquent, j’avais fait appel au RAID dès le départ,
et il est
vrai qu’au fur et à
mesure des résultats, il s’est complètement impliqué
et a procédé à de
nombreuses interpellations,
soit seul, soit avec le concours du SRPJ d’Ajaccio.
M. le Rapporteur : Pourquoi
avez-vous nommé M. Dragacci, quelles étaient vos... ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Mes relations avec lui ? Aucune, je ne le connaissais pas, mais
je considérais qu’il
était capable de faire preuve d’autorité à l’égard
des fonctionnaires de
police. Ce qui m’importait
à l’époque, compte tenu de la présence du RAID et
de l’OCRB,
c’était de nommer un
fonctionnaire « à poigne » pour remettre un peu d’ordre
dans
l’organisation de la police
sur le territoire corse.
M. le Rapporteur. Etant Corse
lui-même, il avait des relations étroites avec de
nombreuses personnes sur l’île.
Ne pensiez-vous pas que cela pouvait constituer un
obstacle ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Monsieur le rapporteur, plus d’un tiers des fonctionnaires de
police qui servent en Corse
sont originaires de l’île. C’est une erreur, mais il est très
difficile d’expliquer à
un Corse qu’il n’a pas le droit de travailler en Corse, alors qu’un
Basque peut travailler au
Pays basque ou un Normand en Normandie. M. Démétrius
Dragacci était considéré
comme un très bon fonctionnaire de police, très bien noté
par sa
hiérarchie ; il avait,
je crois, déjà été en poste en Corse et y avait
eu une action efficace...
M. le Rapporteur : Il était,
je crois, chef de cabinet du préfet adjoint pour la sécurité.
M. Dragacci est parti au début
de l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je n’étais plus en fonction !
M. Le Rapporteur : Je sais
bien, mais il est parti dans des conditions assez particulières
quand même...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je n’ai pas à commenter ce qui s’est passé après
mon départ du
ministère de l’Intérieur.
M. le Rapporteur : Vous avez
connu le dispositif antiterroriste, non seulement comme
ministre mais aussi comme
magistrat : quelle appréciation portez-vous sur ce dispositif
comprenant la 14 ème
section du tribunal de Paris et la DNAT. Vous semble-t-il adapté
à la
situation corse ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: J’ai vu fonctionner la division placée sous l’autorité
du
contrôleur général
Roger Marion et je ne peux que me féliciter du travail de ces
fonctionnaires. Je les ai
appréciés lors des attentats islamistes – à mon arrivée
je ne me
suis pas du tout occupé
de la Corse, ayant à faire face à une vague d’attentats très
durs –
puisque nous sommes parvenus
à des résultats tout à fait satisfaisants, grâce,
il faut bien le
dire à l’UCLAT – Unité
de coordination dans la lutte antiterroriste – qui assure, sous la
responsabilité directe
du ministre de l’Intérieur, la coordination des services de
renseignement, de la gendarmerie
et des différents services de police. Cette division a très
bien fonctionné contre
les terroristes islamistes, elle a aussi très bien fonctionné,
je vous le
rappelle, contre les Basques
: nous avions alors procédé à des interpellations
en Bretagne
qui faisaient l’objet d’une
vive campagne de presse au motif qu’elles ennuyaient les
Bretons – ce sentiment était
partagé, y compris par mes propres amis politiques – mais la
suite a révélé
que c’est grâce à elles que les principaux responsables du
mouvement
terroriste basque ont pu être
arrêtés.
Pour ce qui concerne la Corse,
les fonctionnaires de la division dirigée par
M. Roger Marion ont très
bien travaillé ; cependant toutes les interpellations qui ont eu
lieu – et il n’y en avait
jamais eu autant auparavant – ont été le fruit du travail,
non pas
d’une division, mais d’un
ensemble de services. Il n’y a pas de bonne politique de lutte
contre le terrorisme menée
simplement avec quelques fonctionnaires. Il faut que les
services de renseignement
soient efficaces – en Corse ce n’est pas la DST qui est
compétente, mais les
renseignements généraux. Or, il se trouve qu’en Corse il
y avait
quelques très bons
fonctionnaires des renseignements généraux qui ont fait un
travail
d’une qualité tout
à fait exceptionnelle. Des investigations avaient été
effectuées à la fois
par l’OCRB et le RAID, d’autres
investigations et un certain nombre d’observations,
parfois plus sujettes à
caution quant à leur précision, avaient été
réalisées par les différents
SRPJ. Il n’en demeure pas
moins vrai qu’il existait en Corse, comme toujours, des
problèmes de coordination
avec les services de police, les services de gendarmerie,
l’administration pénitentiaire
et l’autorité judiciaire.
M. le Président : Pensez-vous
que la « guerre des polices » dont on parle, formule sans
doute excessive – ou la «
concurrence » parfois exacerbée est plus forte en Corse
qu’ailleurs ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je le pense. Cela dépend des endroits mais je crois qu’une
bonne politique – que j’avais
essayé de développer, ce qui est très difficile compte
tenu du
statut de la fonction publique
–, veut qu’en Corse, on ne laisse pas les fonctionnaires de
police, qu’ils soient ou non
originaires de l’île, trop longtemps en poste. La même
remarque peut être faite
pour l’administration préfectorale, car on a tendance à prendre
un
certain nombre d’habitudes.
Cela ne met aucunement en cause la qualité de ces
fonctionnaires, simplement
la Corse est une petite île où tout se sait, où tout
le monde se
connaît et je considère
qu’il est préférable de faire tourner régulièrement
les représentants
de l’administration.
M. Jean-Pierre BLAZY : Monsieur
le ministre, je voudrais revenir sur l’affaire de
Tralonca pour vous faire réagir
au livre récemment publié de M. Alain Laville qui est
intitulé Un crime politique
en Corse ; Claude Erignac, le préfet assassiné et sous-titré
Les
secrets d’une affaire d’Etat.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je ne l’ai pas lu !
M. Jean-Pierre BLAZY : Outre
qu’il rappelle qu’il y aurait eu 500 ou 600 personnes à
Tralonca, cet événement
s’étant déroulé un mois avant l’arrivée de
Claude Erignac, il
consacre de longs développements
aux analyses et aux réactions du préfet. Comme il s’agit
du seul ouvrage publié
sur la question, je voudrais vous faire réagir à sa lecture.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Oui, je connais le passage...
M. Jean-Pierre BLAZY : «
Claude Erignac se charge d’expliquer lui-même à certains
de ses collaborateurs que
l’on a enrôlé des infirmières pour 500 francs la soirée,
qu’elles
ont tenu leur fusil-mitrailleur
comme un bébé, et qu’après on a oublié de ramasser
leurs
mégots tachés
de rouge à lèvres écrasés dans le maquis. Plus
on s’avance vers la nuit au
bout des arbres, plus les
silhouettes cachent les bergers, les étudiants en mal de
sensations nocturnes et autres
figurants. » Plus loin, il est dit à propos des voitures
auxquelles vous avez fait
allusion tout à l’heure : « quatorze numéros, pas un
de plus, ont
été relevés.
Nul ne s’est avisé de savoir si des armes et des explosifs ont circulé
sur les
routes. Pourtant, trois jours
plus tôt, le lundi, des bâtiments publics ont subi des attentats
à l’explosif dans les
villes principales de l’île. Trois cents millions de dégâts
pour
accélérer les
négociations... » et il est dit très clairement, –
c’est pourquoi je vous repose
la question – que vous auriez
été informé la veille, ou dans la nuit même,
par fax de la
déclaration faite par
les nationalistes au cours de leur conférence de presse. Claude
Erignac aurait ensuite confié
à Antoine Rufenacht qui était son ami, comme vous membre
du RPR : « se soumettre
à de telles pressions sous l’apparence de l’autorité, c’est
inacceptable. Je suis déjà
en porte-à-faux avec le ministre. Je le vis mal ! »
Comment réagissez-vous
à ces déclarations ?
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je ne commenterai pas les propos qui sont rapportés dans cet
ouvrage. J’ai connu Claude
Erignac à Sciences-Po et je ne l’ai jamais perdu de vue. Quand
je l’ai rencontré pour
lui proposer d’aller en Corse, il était préfet des Yvelines
et aspirait à
d’autres nominations comme
préfet de région ; il ne s’est donc pas montré très
heureux de
ma proposition. Je l’ai vu
longuement, à plusieurs reprises : c’est avec lui que j’ai préparé
mon voyage en Corse et chacun
peut dire ce qu’il a envie de dire mais, ni avant, ni après,
je n’ai senti qu’il y avait
entre le préfet Erignac et moi le moindre problème. Nos relations
étaient toujours amicales,
amicales avec lui, amicales avec sa femme, amicales avec ses
enfants.
La seule chose que je déplore,
– et c’est pour moi un remords très profond –
c’est, alors que j’avais pris
l’engagement qu’il ne resterait pas en Corse plus de dix-huit
mois, de ne pas m’y être
tenu de sorte que, quelque part, je me sens un tout petit peu
responsable de ce qui est
arrivé. Je n’en dirai pas plus et laisse à chacun la responsabilité
de ses propos.
M. Jean-Pierre BLAZY : Certes,
mais, Monsieur le ministre, ce n’est pas sur ce point
que je vous interroge...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Non, mais je préfère le dire.
M. Jean-Pierre BLAZY : ...
oui et je le comprends très bien, d’ailleurs ce que vous venez
de dire figure en partie également
dans le livre, mais je souhaitais recueillir votre réaction
sur le fait, très clairement
écrit, que vous avez reçu par fax, ainsi que Matignon...
M. Jean-Louis DEBRÉ
: C’est fantastique, parce que je vous ai répondu à plusieurs
reprises que je n’ai pas reçu
ce fax. Je vous ai répondu très clairement ; qu’est-ce que
vous
voulez de plus, que je vous
le confirme par écrit ?
M. Jean-Pierre BLAZY : C’est
écrit dans le livre et je voulais vous faire réagir à
cette
affirmation.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Je vous signale, mon cher collègue, que j’ai été
entendu, il y a
un an, par une autre commission
d’enquête, que j’ai dit la même chose et que si vous
reprenez les procès-verbaux
vous verrez que mes propos n’ont pas varié d’un mot...
M. Yves FROMION : Oui, vraiment
!
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Alors, vous pourriez reprendre aussi Libération et L’événement
du jeudi et analyser ce que
leurs journalistes écrivent... Je vous donne ma version ; vous
pourrez, dans un mois, quand
un autre livre sortira, me répéter exactement la même
chose.
Moi, je vous ai dit ce que
j’avais à dire : je vous ai dit que je n’ai pas reçu de fax,
je vous ai
dit que je n’ai pas négocié,
je vous ai dit que je n’ai pas rencontré ces gens-là, je
vous ai
dit que je n’ai vu que des
personnes élues, je vous ai dit que je savais parfaitement que ces
personnes élues allaient
transmettre mes messages à un certain nombre de personnages
que je ne voulais pas rencontrer,
moi. C’est clair !
M. Jean-Pierre BLAZY : Très
bien, Monsieur le ministre, mais je voulais vous faire
réagir par rapport
à ce livre, et pas du tout dans un souci polémique. M. Jean-Louis
DEBRÉ : J’ai oublié de vous préciser aussi – vous
auriez pu me demander
pourquoi la police n’a pas
vérifié l’identité des propriétaires des voitures
s’étant rendues ce
soir là à Tralonca
– que celles-ci ont été identifiées en zone de gendarmerie
et non pas en
zone de police et que, par
conséquent, lorsque nous avons appris – et on peut retrouver
tout cela dans les archives
– que la gendarmerie détenait ces numéros, dont j’ignorais
qu’ils étaient au nombre
de quatorze, nous les avons immédiatement demandés car ils
avaient été
relevés, j’y insiste, en zone de gendarmerie...
M. Jean-Pierre BLAZY : Et
sur le fait qu’aucune information judiciaire n’ait été
ouverte...
M. Yves FROMION : On vient
de dire le contraire !
M. Jean-Louis DEBRÉ
: Ne dites pas cela : là aussi, il faut être sérieux
! Je ne sais pas si
vous êtes spécialiste
de la justice....
M. Jean-Pierre BLAZY : Non.
M. Jean-Louis DEBRÉ
: ... mais il y a une distinction entre l’enquête préliminaire
et la
décision d’ouvrir une
instruction judiciaire : je parle sous le contrôle de la présidente
de la
Commission des lois et d’un
magistrat.
Le procureur général
– et c’est normal – a demandé une enquête préliminaire
sous le contrôle du
procureur de la République. A la suite de cette enquête préliminaire,
le
parquet de Paris a ouvert
une instruction judiciaire confiée à deux magistrats qui
ont
délivré deux
commissions rogatoires : le reste relève de la justice et non pas
de moi. Qu’y
a-t-il dans ces commissions
rogatoires, je ne le sais pas, mais puisque vous avez les
quatorze numéros d’immatriculation,
demandez à être entendu par les magistrats
instructeurs et donnez-leur
ces numéros.
Je constate simplement que
M. Laville, dans son livre, n’a pas communiqué
les quatorze numéros
de voitures et je méfie aussi de ceux qui disent : « y a qu’à
», « faut
qu’on » etc. Voilà
!
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